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furent conclus entre l’Espagne et les Républiques dont les noms suivent : la République Dominicaine (18 février 1855), la République Argentine (9 juillet 1859), le Guatemala (29 mai 1863), San-Salvador (24 juin 1865), l’Uruguay (19 juillet 1870), le Paraguay (10 septembre 1880), la Colombie (30 janvier 1881), le Honduras (17 novembre 1894).

Ainsi, de 1836 à 1894, l’Espagne rétablit des rapports diplomatiques normaux entre elle et ses anciennes colonies, en dépit d’interruptions et de contretemps fâcheux. Mais ni en Espagne ni en Amérique on n’avait attendu que cette évolution se fût accomplie pour revenir à des sentimens cordiaux. Au contraire, c’est l’évolution qui s’était produite dans les esprits qui avait rendu possible l’œuvre diplomatique. On pourrait citer de nombreux exemples de cet apaisement graduel, mais il n’en est pas de plus intéressant qu’un article écrit, en mars 1858, par Emilio Castelar, qui n’avait encore que vingt-six ans. Il ne se trouvait pas isolé, du reste, puisque, son ami, Asquerino, venait de soumettre au gouvernement espagnol l’idée de confédérer entre elles les Républiques hispano-américaines, puis d’établir un lien entre celle confédération et la mère-patrie. Dans l’article auquel nous faisons allusion, Castelar, qui parlait en précurseur, disait entre autres choses :


… Réunir les idées de tous nos écrivains, communiquer au Nouveau Monde l’esprit espagnol sous toutes ses formes rares et variées ; lui rappeler chaque jour, sur tous les tons de notre langue commune, qu’ici vivent des hommes qui sont ses frères ; montrer à ses yeux l’idéal d’un avenir de paix dans lequel, par la réunion de nos forces et de nos intelligences, nous pourrions faire germer dans les entrailles de cette malheureuse Amérique. blessée par la tempête, et dans le sein de cette malheureuse Espagne, consumée par les cendres de ses ruines, une nouvelle science et une nouvelle littérature ; faire tout cela avec une constance rappelant notre ancien caractère, et le faire sans autre récompense que la satisfaction de notre conscience, c’est là un des bienfaits les plus grands et les plus positifs qui se puissent concevoir pour notre race abattue.

Cette œuvre n’est ni moins méritoire, ni moins grande que celle de nos ancêtres. Mais cela ne suffit pas : l’idée qui n’est pas suivie d’un fait est inféconde et stérile ; l’idée qui n’organise pas des forces est comme une goutte d’eau qui s’évapore et se perd…

… La race latine peut exercer, dans le Nouveau Monde, un apostolat supérieur à celui de la race anglo-saxonne. La raison en est simple. Race artiste, race guerrière, portée à la discipline, à l’unité, à la concentration de ses forces ; race éminemment sociale, la race latine peut faire plus,