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distingue mieux de loin que de près, et contre lesquels pourraient venir échouer leurs généreux projets. Pour que ceux-ci aboutissent, deux conditions sont nécessaires : d’abord, que l’Espagne et les autres États d’origine espagnole s’inspirent les uns aux autres assez de confiance et d’estime pour qu’il en naisse le désir d’un rapprochement plus étroit ; puis, que ces mêmes États ne soient pas paralysés par des difficultés intérieures, qui détourneraient leur attention de questions d’un intérêt plus vital et plus général. En ce qui concerne l’Espagne, on peut dire, sans manquer de sincérité, que sa guerre malheureuse contre les États-Unis n’a pas atteint son prestige au point d’éloigner d’elle ses filles d’Amérique, actuellement émancipées. Mais ses amis n’ont pas constaté sans surprise, une fois la guerre terminée, qu’elle éprouvait une difficulté inattendue à recouvrer le calme dont tout pays a besoin après une grande crise. On a pu constater que l’œuvre de régénération nationale, courageusement entreprise au lendemain des désastres, paraissait être entravée par des compétitions et des querelles de parti qu’on s’étonnait de voir recommencer après une trop courte trêve.

Des sphères parlementaires, le trouble a passé dans la rue ; une effervescence inquiétante s’est produite en divers endroits, prenant presque des allures de guerre civile ; d’autre part, des tendances séparatistes se sont manifestées en Catalogne. Au moment même où le Congrès hispano-américain se réunissait à Madrid, une crise politique venait d’y éclater, qui constituait une atmosphère peu propice. Sans doute, les congressistes venus d’Amérique n’ont dû voir dans celle crise qu’un fâcheux contretemps coïncidant avec leur présence dans la métropole. Mais si, d’au-delà de l’Atlantique, ils devaient souvent voir se reproduire le même phénomène, ils en garderaient une impression d’instabilité qui ébranlerait leur confiance en même temps que le prestige dont l’Espagne jouit auprès d’eux. On peut en dire exactement autant de la politique intérieure des Républiques hispano-américaines, et, surtout, de leur politique à l’égard les unes des autres. Non seulement la plupart d’entre elles sont travaillées par des troubles chroniques assez inquiétans, mais, d’un autre côté, la déplorable facilité avec laquelle elles partent en guerre les unes contre les autres est un élément de désordre capable de compromettre les plus louables entreprises. Autrement dit, aussi bien en ce qui concerne l’Espagne que