Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Amérique latine, ce seront leurs propres fautes éventuelles, beaucoup plus que les intrigues ourdies à l’extérieur, qui pourront constituer le principal obstacle à la réalisation de l’idée ibéro-américaine. Mais il n’est pas interdit d’espérer que, d’un côté de l’Atlantique comme de l’autre, on se rendra compte qu’il y a urgence de renoncer à des erremens qui n’ont que trop duré. En Espagne, le monde politique, malgré les rivalités des partis, doit comprendre que le pays ne saurait résister indéfiniment à de trop fortes secousses. Quant aux divers États de l’Amérique latine, ils ont une raison particulièrement impérieuse de renoncer à leurs querelles, et de se rapprocher les uns des autres : à savoir le péril pan-américain, qui les menace du côté du Nord. Les États-Unis dissimulent à peine leur ambition d’étendre leur hégémonie aux deux Amériques, et il est certain que toutes les complications qui pourront survenir dans l’Amérique latine favoriseront leurs visées à la domination pan-américaine. Consciens de ces divers dangers, Espagnols et Hispano-Américains devraient pouvoir réagir contre ces fâcheuses tendances, et alors l’œuvre préparée par le Congrès de Madrid pourrait se réaliser pour le plus grand avantage des uns et des autres.


Avons-nous, en France, une raison quelconque d’assister avec défiance à ces tentatives de rapprochement entre l’Espagne et l’Amérique latine ? M. Morel, dans son discours de clôture, a prononcé les paroles suivantes : « Il appartient à l’Espagne de rassurer ses deux grandes sœurs latines, l’Italie et la France, au sujet de ce mouvement. Il lui appartient de leur dire que ce groupement de peuples de race espagnole, rassemblé ici, n’oubliera jamais son caractère latin, ni la fraternité qui doit régner entre Latins. Elle doit leur dire que, elles aussi, elles ont des raisons de craindre pour l’avenir, et qu’un jour viendra peut-être où elles nous tendront la main, non pas pour nous soutenir, mais pour que nous nous prêtions mutuellement appui. » Sans anticiper à ce point sur l’avenir, ni prévoir encore le cas où l’Italie et la France pourraient avoir besoin du groupement hispano-américain, il ne nous semble pas qu’aucun de ces deux pays doive s’émouvoir à la perspective de rapports plus étroits entre l’Espagne et les Républiques hispano-américaines. En ce qui concerne l’Italie, son principal intérêt, dans l’Amérique latine, consiste dans le fort contingent d’emigrans qu’elle y envoie. Or,