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du dehors et des lois plus intérieures qui constituent ce qu’on en appelle le génie. Mais, dans la mesure où on la considère et où on la traite comme une « œuvre d’art, » nous pouvons, en nous y appliquant, lui faire subir toutes les transformations qui ne sont pas incompatibles avec les exigences de ce génie lui-même ; et l’histoire littéraire de notre langue française en pourrait toute seule servir de preuve. A vrai dire, nous avons voulu, quelqu’un a voulu presque tous les changemens qui, de la langue de Ronsard et de Montaigne, en ont fait la langue de Malherbe et de Pascal ; on les a voulus avant de les réaliser, — ce qui n’est pas vrai, comme on le sait, de tous les changemens ; — et on a su non seulement qu’on les voulait, mais pour quelles raisons on les voulait, dont la principale était politique autant que littéraire, s’il ne s’agissait de rien de moins que de substituer la langue française dans les droits ou privilèges des langues de l’antiquité. Nous ferons observer, à ce propos, que les Remarques de Vaugelas sont de 1647 ; et c’est en 1648, pour la première fois, que la langue française est devenue la langue de l’usage diplomatique.

C’est ce que le savant, très savant auteur de l’Histoire de la Langue française, M. F. Brunot, semble avoir tout à fait oublié ou perdu de vue dans les pages qu’il a consacrées à Vaugelas, et qu’on pourra lire au tome quatrième de la grande Histoire de la Littérature française publiée sous la direction de M. Petit de Julleville. Nous saisissons volontiers cette occasion de louer le dessein de M. F. Brunot. Quelques objections que soulève telle ou telle partie de son Histoire de la Langue française, nous n’avions pas d’histoire de la langue française, et M. F. Brunot nous en a donné une. Il en a tracé le plan et rempli quelques-unes des parties. Mais, s’il ne reproche rien tant à Vaugelas que de n’avoir pas observé dans ses Remarques les principes de la méthode historique, il y en a un premier motif, qui est qu’au temps de Vaugelas on ne se formait qu’une idée très imprécise de la méthode historique, et j’estime après cela qu’au nom de la méthode historique, on ne saurait se méprendre davantage sur la signification, le caractère, et la portée de son œuvre.

Vaugelas n’a prétendu faire œuvre ni de philologue, ni même d’historien de la langue, tout au contraire de Ménage, par exemple, et de l’Académie française, dans la première édition, de son Dictionnaire, celle de 1694, où les mots sont