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l’influence, sauront-elles le faire aujourd’hui sous le coup de la nécessité ? Sortiront-elles de leur torpeur en présence des menaces d’obligation, quand nous n’avons plus devant nous qu’un dernier répit ? Le développement de la mutualité devrait être le cri de ralliement de tous ceux qui combattent le jacobinisme et veulent sauver la liberté.

Il y a des lois dont le succès dépend uniquement de l’emploi des dévouemens inoccupés. La législation sur les habitations à bon marché a sept ans de date ; elle remonte au 30 novembre 1894. Elle a été inspirée par une pensée très généreuse. M. Jules Simon, qui avait préconisé depuis de longues années l’amélioration des logemens ouvriers, avait tout résumé en une formule : « le logement hideux est le pourvoyeur du cabaret. » Etudes, enquêtes, brochures s’étaient multipliées et on avait pu ajouter que le taudis où s’entassent de trop nombreuses familles était le pourvoyeur de la prostitution, de la prison et de l’hôpital. L’hygiène et la morale étaient d’accord pour appeler à grands cris une réforme. L’Exposition de 1889 avait déterminé un mouvement : des habitations types s’élevaient à Lyon et à Paris. Les ouvriers s’essayaient à construire, et commençaient à former entre eux des sociétés de construction. Une association de propagande s’était constituée à Paris[1]. Partout où le logement salubre se substituait aux horreurs de la chambre unique, la famille, la veille dispersée, se rassemblait autour d’un foyer attrayant. Mais les dépenses étaient considérables, les impôts très lourds. N’était-il pas possible d’obtenir quelques dégrèvemens spéciaux qui équivaudraient à une sorte de prime ? Ne pourrait-on pas surtout protéger la famille contre un partage en nature qui anéantissait, au lendemain de la mort du père de famille, la possession du petit bien qu’il avait péniblement acquis ? Une proposition de loi, présentée par M. Siegfried et un grand nombre de députés, fut déposée, examinée et votée en un an par les deux Chambres. Les dégrèvemens étaient faibles, mais la protection contre les conséquences du partage faisait son entrée dans nos lois, corrigeant une des dispositions les plus fâcheuses du Code civil et permettant à ceux qui veulent voir de loin d’espérer que l’exception de la loi de 1894 deviendrait au XXe siècle le droit commun. La loi

  1. La Société française des Habitations à bon marché, fondée en 1890, publie des plans, des modèles, des statuts-types ; elle a provoqué la création d’un grand nombre de sociétés de construction.