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elles, en les faisant entrer dans leur sphère d’attraction, ces associations accompliront leur véritable mission : elles aussi auront contribué à retrouver, au profit de la France, des forces perdues.


IV

Nous sommes trop souvent témoins des luttes entre les défenseurs de l’initiative privée et les partisans de l’intervention législative pour que nous ne nous arrêtions pas quelque temps devant l’exemple que, depuis plus d’une dizaine d’années, nous donnent les Belges. Ils ont su se servir des deux méthodes avec tant de mesure ; ils les ont employées si à propos, créant entre elles une concurrence féconde, sans que la rivalité s’y mêlât ; ils ont suscité les dévouemens individuels et ont appliqué leurs efforts à tant de matières avec une si courageuse originalité, qu’il n’est pas permis de négliger leur expérience.

Une des institutions qui porte au plus haut degré ce caractère est la Caisse générale et Épargne et de Retraite de Belgique. Tandis que la Caisse d’épargne telle que nous la pratiquons est une sorte dévaste tirelire close, une banque fermée où vont s’amasser et comme s’enfouir tout ce que contenaient jadis les fameux bas de laine, l’institution belge est vivante et répand tout autour d’elle le mouvement. Ce n’est point une caisse d’Etat. Bien que son Conseil et son directeur général soient nommés par le roi, elle jouit d’une grande autonomie. Les économistes comparent l’argent et les capitaux aux voitures qui sous une remise ne rapportent rien à leur maître et qui n’ont de valeur que dans la mesure où elles roulent. Les Belges apprécient l’épargne ; ils sont fiers de leurs 1 757 000 livrets et des 678 millions déposés ; mais ils ne poussent pas cette admiration jusqu’au fétichisme ; ils se rendent compte que le déposant a montré plus de prudence que d’initiative, qu’une épargne aussi facile, aussi dénuée d’imagination, n’est pas ce qui augmentera la fortune nationale et ils ont chargé la Caisse générale de se servir de ces capitaux que leurs possesseurs n’ont pas su employer et de les mettre en mouvement pour alimenter l’activité industrielle et commerciale de la nation[1].

  1. Il ne faut pas perdre de vue que le solde des fonds déposés en France, tant à la Caisse d’Épargne ordinaire qu’à la Caisse Nationale, s’élevait, au 31 décembre 1899, à quatre milliards trois cent trente-six millions de francs.