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Au cours d’un voyage en Lombardie, M. Léon Say était revenu émerveillé du parti que les Caisses d’épargne italiennes avaient tiré du libre emploi, des institutions de crédit qu’elles avaient suscitées, des entreprises de toutes sortes qu’elles avaient subventionnées ; il avait décrit avec enthousiasme le résultat d’une administration qui avait répandu la richesse. Là aussi, il avait noté cette réflexion qu’il fallait rendre au mouvement de l’industrie ce qui était venu d’elle ; qu’il serait dangereux de laisser se figer l’épargne issue du salaire des petits et des humbles ; qu’elle devait être transformée en sources nouvelles d’activité et de richesse, qui profiteraient très directement aux cliens de la Caisse. Les Lombards, comme les Belges, n’hésitent pas à penser que des milliards immobiles constituent des forces perdues.

L’emploi des fonds confiés aux Caisses d’épargne a soulevé les objections les plus vives ; la question mérite qu’on s’y arrête. « Les dépôts sont sacrés, ont dit les partisans du régime actuel ; en user est un abus de confiance ; le placement en rentes sur l’État n’est qu’un dépôt provisoire, qui permet à tout instant la réalisation et la restitution au déposant. La moindre difficulté de réalisation, un retard dans le remboursement, c’est la faillite de la Caisse. En temps ordinaire, c’est un péril ; en une crise, c’est la ruine inévitable. Des administrateurs ayant le souci de leur responsabilité ne peuvent en aucune mesure consentir à un emploi. »

Il ne s’agit pas, répondent les Belges, de risquer en des opérations aléatoires les versemens des déposans. Il n’y a pas de crédit plus assuré que celui de la Banque de France, et cependant, ses billets, qu’elle doit rembourser à vue, ne sont pas tous gagés par des espèces en caisse ou des titres de rente ; elle fait toute une série d’opérations dont la prudence est reconnue. La Caisse belge agit aussi sagement. Elle a le droit de placer en obligations de sociétés garanties par l’Etat, en obligations provinciales et communales, en obligations de sociétés diverses, en prêts hypothécaires, en prêts agricoles et avances aux sociétés coopératives de crédit agricole, en avances pour habitations ouvrières : elle peut faire des placemens provisoires sur nantissement, en escompte sur la Belgique ou sur l’étranger. Si ces placemens sont faits avec l’esprit de discernement habituel aux banques de premier ordre, il n’y a aucun