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REVUE MUSICALE


Théâtre de l’Opéra-Comique : Grisélidis, conte lyrique en trois actes et un prologue ; paroles d’Armand Silvestre et de M. Eugène Morand ; musique de M. Massenet.


Savez-vous ce que c’est que la critique musicale ? Un journal de musique en a donné dernièrement cette aimable définition : « La critique musicale est l’évaluation du quotient sentimental d’un rapport ayant les sensations acoustiques pour dividende et le goût individuel pour diviseur. » Suivait une formule algébrique. En ce cas, le résultat de notre dernière division peut s’énoncer ainsi : « Grisélidis occupe dans le théâtre de M. Massenet une place moyenne : au-dessous de Manon et de Werther, mais au-dessus de Sapho et peut-être aussi de Cendrillon. » Maintenant il n’y a plus qu’à faire la preuve. Essayons.

La légende de Grisélidis, représentée naguère à la Comédie-Française, vous fut alors, ici même, contée. Le prologue montre comment une paysanne, passant un jour par la forêt, y rencontra le seigneur du pays et, sur un seul mot de lui, devint sa fiancée. Un berger du nom d’Alain vit de loin ces promptes accordailles. Alors il s’éloigna, le cœur brisé de chagrin, car il aimait en secret la jeune fille et la voulait pour femme.

La pièce, qui commence alors, se divise, comme une célèbre sonate de Beethoven, en trois parties ou trois momens : les Adieux, l’Absence, le Retour. Seulement il ne s’agit point ici d’un ami : c’est un époux qui, partant pour la croisade, permit au diable de tout entreprendre et le défia de pouvoir rien sur l’obéissance et la fidélité de sa femme. Voilà le premier acte.

Nous sommes témoins, au second, de deux tentations repoussées l’une après l’autre. Le diable, marié lui aussi, se fait aider par sa