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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/740

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passer sans vous le dire, car l’ouvrage de votre perfection est si avancé que je voudrois aider à l’achever. » Et elle terminait en disant avec bonne grâce : « Adieu, ma chère abbesse. Raccommodons, car je n’aimerois point estre brouillée avec vous. Consolez-vous d’avoir perdu Mlle d’Aumale. Elle fera vos affaires ici, et ne vous sera point inutile. Je vous l’enverrai cet été. Je vous embrasse de tout mon cœur[1]. »

Ce petit débat montre mieux que tout ce que je pourrais dire la rare valeur de la toute jeune fille que Saint-Cyr et Gomerfontaine se disputaient ainsi. Nous allons la voir à son retour prenant une place de plus en plus grande dans la confiance de Mme de Maintenon et pénétrant chaque jour plus avant dans son intimité et dans celle du Roi lui-même. Mais auparavant je voudrais m’arrêter un instant à montrer Mme de Maintenon sous un aspect moins connu que son rôle d’éducatrice, et qui n’en mérite pas moins cependant d’être étudié.


II

On sait avec quelle verve railleuse Saint-Simon parle des prétentions de Mme de Maintenon à se croire l’abbesse universelle et de ces mille couvens qui, avec Saint-Cyr, lui auraient fait perdre un temps incroyable. « De là une mer d’occupations frivoles, illusoires, pénibles, toujours trompeuses, des lettres et des réponses à l’infini, des directions d’âmes choisies et toute sorte de puérilités. »

Ce rôle d’abbesse universelle, pour reprendre l’expression fort outrée de Saint-Simon, a-t-il été si ridicule ? Je ne le pense pas. Notons d’abord que ces mille couvens se réduisent à deux. Celui de Gomerfontaine dont nous venons de parler, et celui de Bizy dont Mme de Maintenon ne s’occupe qu’à partir de 1712. Est-il singulier que, voyant placées à la tête de ces deux abbayes, qui étaient pauvres et dans une situation difficile, deux anciennes élèves de Saint-Cyr, elle leur soit venue, pécuniairement ainsi que moralement, en aide et les ait assistées de ses conseils ? Mais, pour nous en tenir à Saint-Cyr, le rôle qu’elle y joue et qui nous est aujourd’hui connu dans ses moindres détails par la publication « de ces lettres et de ces réponses à l’infini » n’a rien qui la

  1. Lettre inédite du 5 février 1706.