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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 6.djvu/823

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plus encore à l’influence de la bénédiction ou de la malédiction des hommes, aux pressentimens, à la télépathie, à l’importance de quelques chiffres fatidiques. En particulier, par la somme des dates de naissance, de mariage et de mort dans une famille, on pourrait tirer une conclusion sur la destinée d’un de ses descendans, parce que « un certain rythme du sort » se fait sentir ici-bas.

Ces petites faiblesses sont vénielles. Le terrain sur lequel Christian Wagner se meut le plus lourdement à notre gré, c’est celui de l’amour sensuel et païen, vers lequel il porte volontiers ses pas. Il s’y montre emprunté, forcé dans son affectation de désinvolture ; l’homme qui a écrit de si belles pages sur les affections de famille, se prenant à jouer l’épicurien dégagé, apparaît décidément inférieur dans un rôle mal fait pour son tempérament. Tant que son indulgence pour les faiblesses de la chair garde une sorte de couleur évangélique, comme dans la Ballade sur les Colchiques[1], ces vierges folles dont nous avons parlé, ou dans la pièce qui traduit le repentir de la Madeleine par une effloraison de roses[2], il y avait mauvaise grâce à lui chercher querelle. Mais, déjà, à la suite du Mythe de l’Automne[3], que nous avons reproduit en partie, il introduit une « canonisation de la femme, » qui sonne faux sous sa plume, et où la dignité de prêtre dont il se pare afin d’approcher librement du sanctuaire assez dévoilé de la grâce féminine fait songer involontairement au grand pontife des Saint-Simoniens, et aux plus douteuses théories du Père Enfantin.

On retrouve cette impression de malaise à la lecture d’une courte pièce des Présens votifs, intitulée : Charme d’Amour.


Veut-elle de moi ? Cela n’est pas bien clair. Qu’importe ! je caresse doucement sa chevelure. M’aime-t-elle ? Cela n’est pas sûr le moins du monde. Qu’importe ? j’embrasse ses lèvres de pourpre. Et si la loi et le degré de parenté sont contre nous, qu’importe ? je la tiens dans les rets de mon amour. Mon âme l’enveloppe dans le domaine de son pouvoir, et elle ne pourra jamais s’en échapper.


Voilà un de ces morceaux que Wagner eût fait sagement de laisser en dehors de son recueil, et de conserver inédit, comme le témoignage d’un fugitif entraînement. Certaines confidences risquent d’étonner le public, quand surtout on a pris vis-à-vis

  1. I, 31.
  2. II, 10.
  3. II, 21.