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environ 2 500 kilomètres, et être prêt dans les premières années du XXe siècle. La Chine se réservait le droit de racheter au bout de trente-six ans la propriété du chemin de fer, en en remboursant toutes les dépenses. En tout cas, la ligne tout entière devait devenir purement et simplement sa propriété à l’expiration d’une période de quatre-vingts années, à dater du début de l’exploitation.

J’avoue avoir été fort étonné lorsque, me trouvant à Tomsk au mois d’octobre dernier, j’appris que la jonction des rails était faite sur le Transmandchourien. De toutes les grandes entreprises de la Russie, c’était certainement celle qui avait la plus mauvaise réputation. On racontait à son sujet des histoires de concussion extraordinaires et l’on n’était pas loin de soutenir que les troubles de 1900 avaient été fomentés pour dissimuler des vols derrière un prétendu pillage. Des Russes profondément honnêtes, qui avaient assisté aux débuts du travail, étaient revenus indignés : de plus, on savait que les correspondans de journaux étaient impitoyablement écartés de Mandchourie. Quant au personnel de la construction, il laissait passer sans y répondre les plus désobligeantes insinuations de la presse. On devine combien je désirais contrôler par moi-même tous ces bruits fâcheux. Mon dessein fut d’abord de partir incognito. Mais des amis me firent observer que je serais vite reconnu et que mon désir de m’instruire avec impartialité me ferait plutôt soupçonner de noires intentions. Je sollicitai donc, par l’entremise d’un grand personnage russe, une autorisation officielle de traverser la ligne en construction, et le Ministère russe des Finances voulut bien donner à mon sujet les ordres les plus aimables. Voilà comment je quittai Irkoutsk pour la Mandchourie à la fin du mois de novembre de l’année dernière. Je dois déclarer que, n’étant pas ingénieur, je n’ai pu faire une enquête technique ; mais je puis ajouter que, n’étant pas, surtout en ce pays, porté à la crédulité, j’ai pris soin de contrôler toujours les renseignemens qu’on m’a fournis. Si donc je suis revenu plein d’admiration, je puis bien m’être abuse sur la valeur intrinsèque du travail, mais on peut être sûr du moins que je ne me suis fait l’écho d’aucune opinion officielle ou privée.


D’Irkoutsk, je gagnai sans trop d’encombre Tchita : le lac Baïkal n’étant pas encore gelé, le service des ferry-boats, improprement