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espère voir boomer ces terrains : un tel succès m ‘étonnerait fort.

Le havre de Port-Arthur est étroit et peu profond, mais le goulet en est admirablement défendu par deux hauteurs qui le dominent. C’est ici un port de guerre : toutes les collines qui ont vue sur la baie sont fortifiées, et partout s’étalent les : Défense d’entrer. C’est à Port-Arthur que les Russes ont l’intention de concentrer leur flotte et leurs forces militaires : Dalni, de son côté, sera le port de commerce, et, lorsque la ville sera construite, le grand port franc qui remplacera Vladivostok.

A Port-Arthur, comme à Dalni, l’activité règne partout. Dans la ville, c’est un mouvement incessant de Chinois et d’Européens, à pied, en djin-rik-chas ou en fiacres découverts ; sur les chantiers et sur le port, fourmillent les ouvriers jaunes, débardeurs, terrassiers ou maçons, ces derniers occupés à édifier des parcs d’artillerie et des casernes. La ville est naturellement plus faite, plus complète que Dalni, qui n’existe encore qu’à l’état embryonnaire ; mais elle est moins séduisante. Certes, elle devra une certaine importance à la population militaire qui s’y trouvera entassée ; mais bien peu de gens viendront, de gaité de cœur, se fixer dans ses ruelles ou sur ses collines pelées. De plus en plus, le caractère de port fortifié s’accentuera ici, et le mouvement de la vie civile, du commerce et du plaisir se transportera à 40 kilomètres vers le Nord-Est, au bord de la baie gracieuse de Dalni tout pimpant neuf.


Le rapide extrait de mes notes que je viens de transcrire ici a permis, je l’espère, de se faire une idée du travail imposant auquel les Russes se sont livrés et se livrent encore en Mandchourie. Il ne semblera pas superflu de joindre à ces notes quelques réflexions.

La première idée qui vient à l’esprit quand on circule sur le Mandchourien, c’est que les Russes ont commis une imprudence capitale en laissant près de 3 000 kilomètres de leur grand chemin de fer à la merci d’une population qui ne leur est pas soumise. Ils ont beau, en effet, accumuler là-bas des troupes et signer des traités stipulant la protection de leurs nationaux, il n’en est pas moins vrai qu’ils ne peuvent être assurés contre un coup de main qui couperait la ligne, ou, en tout cas, contre des attentats divers qui en pourraient compromettre la sécurité.

Les raisons de cette imprudence sont nombreuses, mais on