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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/163

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les thés auront toujours avantage à emprunter la voie maritime. Le gouvernement russe ne pourra pas non plus intervertir ce mouvement par un jeu de tarifs, car il ne saurait avoir intérêt à ruiner la Flotte Volontaire. Quant aux thés destinés à l’Europe, il n’en faut même pas parler. Outre les thés, on ne voit guère que certains produits de consommation redoutant la grande chaleur qui aient intérêt à passer par le Transsibérien. Encore faut-il compter en Sibérie avec quatre ou cinq mois de froids terribles et deux mois d’insupportables chaleurs.

Si étrange que cela puisse paraître, le Transsibérien semble n’avoir comme voie de transit qu’un avenir médiocre ; en revanche, sur certains points du parcours, son importance locale est énorme. D’abord, il facilite cette émigration qui, depuis six années, mobilise bon an mal an 200 000 pauvres diables. Il vivifie les grands centres sibériens en leur apportant les marchandises d’Europe. Surtout, il permet l’exportation des produits sibériens, beurres, viandes et grains, lorsqu’ils sont en surabondance. Le rôle principal du Mandchourien sera de même tout local. D’abord il permettra de fournir à la Transbaïkalie des produits qu’elle ne recevait jusqu’ici que par la voie coûteuse de Vladivostok et de l’Amour. Puis il permettra d’exploiter les parties riches de la Mandchourie. Son rôle ici sera considérable. Tout l’est et le sud de la province est peuplé par une population parfois très dense et fort industrieuse. Cette population a vite compris l’importance de la voie ferrée. Avant même que le service régulier soit établi, avant même que soient exploitées les mines de houille et de métaux précieux, les Chinois ont donné du travail à la ligne nouvelle. Sur le tronçon méridional, long de près de 1000 kilomètres, le tarif provisoire est de 50 copeks (1 fr. 35) par poud-verste (16 kilog.-1067 mètres) avec un minimum d’expédition de 1 wagon (750 pouds : 12 285 kil.). Avec ce tarif, qui revient à 0 fr. 1029 par tonne kilométrique, et qui est considéré comme écrasant, avec ce tarif de défense, comme l’appellent les Russes, qui savent qu’il y faut ajouter des faux frais considérables, tels que les pots-de-vin à distribuer à certains chefs de gare pour qu’ils ne suscitent pas un retard intentionnel[1] ; avec ce tarif, dis-je, des commerçans chinois arrivent

  1. En Sibérie comme en Mandchourie, certains chefs de gare font simplement dételer les wagons de ceux qui ne les payent pas. C’est là une des plaies des transports.