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grossissement des microscopes sans voir autre chose que ce que nous apercevons. Nous savons, par l’interprétation de certains phénomènes, que les particules constitutives n’ont pas un diamètre supérieur à un dix-millième de micron. Telle est la limite où commence la discontinuité.

Notre conviction est donc exclusivement rationnelle. Elle est fondée sur le raisonnement. Le postulat est admis a priori ; il se légitime par la vérification de ses conséquences. Il consiste à admettre, a priori, que la trame d’une matière quelconque amincie suffisamment au-dessous du dix-millième de micron, serait non pas quelque feutrage, comme on pourrait l’imaginer, mais un granité. — On suppose la matière formée de particules isolées entièrement.

Supposons que le corps soumis à notre examen soit un gaz. l’hydrogène. Si cette masse gazeuse était amenée à 273° au-dessous de zéro (auquel cas tout mouvement intestin y aurait disparu) — et si, alors, nous pouvions voir effectivement ce qu’est ce corps, nous le trouverions composé d’une masse granuleuse dont les grains immobiles seraient tous identiques, et auraient en diamètre précisément un dix-millième de micron. Quant à l’état de ces molécules, ce que l’on en peut connaître ou supposer est exprimé dans la théorie cinétique de la matière[1] établie par Clausius et Maxwell pour les gaz et par Van der Wals pour les liquides.

III

Les idées que l’on se formait sur la constitution générale de la matière ont été modifiées dans une mesure très appréciable par les acquisitions récentes de la physique, relatives aux courans

  1. La température s’élevant, les molécules tout à l’heure immobiles à— 27.3°, — selon ce que nous enseigne cette théorie, — entreraient en danse et prendraient un mouvement de plus en plus vif. Ce mouvement n’est pas une oscillation, comme le croyait Bernouilli, mais un double mouvement de translation et de rotation. Le mouvement de translation se fait en ligne droite. Sa vitesse atteint 1 844 mètres par seconde, c’est-à-dire le triple de celle d’un boulet de canon. La molécule court ainsi en ligne droite jusqu’à ce qu’elle rencontre une autre molécule qui la dévie. Cet accident ne tarde pas à se produire. Il arrive lorsqu’elle a parcouru en moyenne un trajet d’un dixième de micron. De la valeur de ce libre parcours moyen et de la notion de la solidification des gaz, on déduit le nombre des molécules dans un volume donné et leur diamètre. C’est ainsi qu’on a trouvé les nombres de 1 millième à 1 dix-millième de micron pour le diamètre des molécules gazeuses.