des couleurs y est d’un charme singulier, sous l’atténuation du temps : portes vertes, peinturlurées de fleurs étranges ; dallage en porcelaine, d’un bleu merveilleux ; blancheur laiteuse des murs ; incendie de rouge et d’or tout autour du tabernacle ; éclat surprenant d’une quantité de colonnes et de grilles de cuivre tourné, polies en miroir par le frottement des mains humaines. Et nombre de petites girandoles en cristal, également polychromes, descendent du plafond, très archaïques, sans doute venues d’Europe au vieux temps des colonisations.
Quelques personnages au teint blême, en longue robe, au long nez, qui étaient là marmottant des prières, leur livre hébraïque à la main, s’interrompent pour m’accueillir, et un rabbin, qui a l’air d’avoir cent ans, s’avance à ma rencontre, avec son tremblement de vieillard. On me fait admirer d’abord le luxe de ces colonnades de cuivre, si minutieusement tournées, et on me prie d’en constater le poli extraordinaire. Ensuite on me désigne ce pavage de porcelaine bleue, vraiment sans prix, si rare qu’on ose à peine y poser les pieds ; il fut commandé en Chine, il y a six cents ans, et rapporté à grands frais sur des navires. Enfin on découvre pour moi le tabernacle, que masquait un long voile de soie lamée d’or : il y a là dedans des tiares incrustées de pierreries, d’un dessin aussi primitif que la couronne du roi Salomon, pour coiffer, en certaines circonstances, le rabbin centenaire ; il y a surtout les saints livres, rouleaux de parchemin d’une antiquité imprécise, enveloppés dans des étuis de soie noire à broderies d’argent.
En dernier lieu, on m’apporte la relique des reliques, le document inestimable, les tablettes de bronze sur lesquelles furent inscrits, environ quatre siècles après l’arrivée de ces juifs aux Indes, l’an 4139 de la Création, 3479 de la Tribulation, et 319 de l’ère du Christ, les droits et privilèges à eux accordés par le souverain qui gouvernait alors le Malabar.
Et voici à peu près ce que disent les caractères graves sur ces vénérables tablettes :
Par le secours de Dieu, qui forma le monde et établit les rois, nous, Ravi Vurma, Empereur de Malabar, dans la trente-sixième année de notre heureux règne, et dans le Fort de Maderecatla, Crangauore, accordons ces droits au bon Joseph Rabban :
1° Qu’il peut faire des prosélytes dans les cinq castes.
2° Qu’il peut jouir de tous les honneurs ; qu’il peut monter éléphans et