plus caractéristiques des grandes citadelles de l’époque de Louis XIV. Le bassin à flot, quelques aménagemens de quais et le prolongement en mer des jetées de l’Aa sont seuls de date plus récente. Le port comprend, avec son chenal et son bassin d’échouage, les deux branches de l’Aa qui entourent les remparts de la ville, et tous les fossés de la place qui forment un réservoir de près de 20 hectares d’une importance capitale pour assurer le dessèchement de toute la banlieue.
Gravelines est à 2 kilomètres environ de la mer. Nulle part dans la Flandre, la côte n’est plus plate. L’estran n’a pas moins d’un kilomètre et demi de largeur, et deux longues jetées prolongées par des estacades s’avancent au large ayant chacune plus de 1 500 mètres, distance à peine suffisante pour atteindre la profondeur nécessaire aux navires tirant tout au plus 3 ou 4 mètres d’eau. Tout autour de la ville, une plaine uniforme, coupée de canaux avec de longs alignemens d’arbres. De distance en distance, à perte de vue, dans la campagne, les mâts et les voiles des bricks et des bateaux de pêche, tantôt glissant sans bruit, paraissant et disparaissant à travers les branches, tantôt immobiles, amarrés le long des berges et des quais, et toujours couchés, aux heures de la basse-mer, dans la vase fétide comme des épaves ou des malades. Ce calme et cette solitude ne sont d’ailleurs qu’apparens ; et, malgré le redoutable voisinage de Dunkerque, le port de Gravelines continue à jouir d’un certain mouvement.
Au commencement du siècle en particulier, il présentait une animation toute spéciale et était le siège d’un trafic étrange et d’un commerce interlope qui fit un moment sa fortune. Bien qu’on fût alors en guerre avec l’Angleterre, l’Empire avait établi des relations continues avec les Anglais ; et Fort-Philippe fut désigné, par un décret impérial du 30 novembre 1811 qui ne manque certainement pas d’originalité, pour recevoir officiellement, à l’exclusion de Dunkerque et de Wimereux, les petits bateaux connus sous le nom de « smoggleurs » — smuggler en Anglais, smokkeler en flamand — qui faisaient la contrebande et venaient charger nos soieries, nos spiritueux et divers autres produits français, en échange desquels ils versaient, tant en lingots d’or qu’en monnaie précieuse qui nous manquait, plusieurs millions par mois.
L’opération était commanditée par le banquier Rothschild et