Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne prit fin qu’à la Restauration ; mais le mouvement était donné, et lorsque Fort-Philippe, qu’on appelait « la ville des smoggleurs » vit tomber cette industrie fructueuse, les habitans eurent l’heureuse idée de suivre en Angleterre la consommation qui s’éloignait d’eux. C’est de là qu’est venu le commerce considérable d’exportation de denrées agricoles qui fait encore de Gravelines un port d’une certaine importance et qui, joint à la pêche, y maintient une grande activité.

Gravelines est en quelque sorte une ville quadruple : tout d’abord la ville fortifiée, enfermée dans sa ceinture bastionnée, précédée de ses fossés dont les redans, les saillies et les enfoncemens présentent le dessin d’une magnifique étoile ; en dehors, vers l’Est, le petit faubourg des Huttes, presque exclusivement habité par les pêcheurs ; à 2 kilomètres au Nord, à l’embouchure et sur les deux rives de l’Aa, deux autres groupes très compacts et populeux, le grand Fort-Philippe et le petit Fort- Philippe, à la fois stations de bains de mer et de pêche, le premier armant pour la pêche au long cours, le second bornant ses opérations à la pêche côtière. Le mouvement commercial dépasse 60 000 tonnes par an : à l’importation principalement, des bois du Nord et des charbons anglais ; à la sortie, des envois continus d’œufs et de denrées agricoles qui vont presque tous au marché de Londres par la Tamise. L’Aa qui entoure les remparts de la vieille ville est le dernier bief du réseau des canaux du Nord. Les conditions de navigabilité sur ces canaux sont parfaites. A eux seuls ils suffisent pour assurer à Gravelines un avenir, modeste sans doute à côté de ceux de Calais et surtout de Dunkerque, mais d’une grande régularité et d’une longue durée[1].


V

Dunkerque n’existe à proprement parler que depuis le VIIe siècle. La plus grande partie de la Flandre maritime était jusqu’à cette époque une terre vague, aux trois quarts noyée, périodiquement infestée par les pirates du Nord qui pouvaient assez facilement trouver des retraites dans les vagues marais du delta de l’Aa si riches, si bien aménagés aujourd’hui, alors presque déserts. La petite tribu des Diabintes, qui l’occupait à

  1. Plocq, Port de Gravelines. Ports maritimes de la France, 1874.