passés, il doit délibérer avec vous sur ce que vous aurez à faire. Je lui recommande d’avoir pour vous tous les égards que vous vous attirez par la manière dont vous vous exposez en toute occasion ; je lui mande surtout d’avoir pour vous toute la confiance que vous méritez par votre zèle et votre bonne volonté pour la gloire de mes armes, pour la sienne et pour la nation, et enfin par l’expérience que vous donne le long temps que vous êtes à la tête de mes armées, qui n’ont jamais eu un échec pendant que vous les commandiez en chef[1]. »
Si flatteuse que fût cette longue dépêche pour l’amour-propre de Vendôme, elle poussa au comble son irritation. Avant même de l’avoir reçue, il avait continué d’écrire des lettres pleines de récriminations, dont le ton allait jusqu’à l’insolence : « Messeigneurs les Princes, écrivait-il de nouveau le 14 juillet au Roi, sont un terrible fardeau pour une armée. Je ne l’aurois pas cru, si je ne l’eusse éprouvé. Il ne s’en est fallu de rien qu’ils n’aient été pris à l’entrée de la nuit. J’avoue que j’en frémis encore ; je ne sçay ce que Votre Majesté pensera à leur sujet, mais il me semble que les manœuvres que nous avons à faire dans le reste de la campagne, n’exigent guère leur présence. » Et à Chamiliart, à la même date : « Il seroit à souhaiter que tout le monde prît les intérêts du Roy aussi à cœur que moy. Ce matin, quand j’étois revenu de Gand, il sembloit que tout fût perdu ; il m’a fallu rectifier cela par mes discours, mais c’est toujours à recommencer... Si j’avois su les choses comme elles sont, j’aurois supplié Sa Majesté de ne point me charger de personnes aussi précieuses[2]. » Mais la lettre du Roi du 16 juillet acheva de l’exaspérer, et, se laissant aller à son irascibilité habituelle, il lui répondait, le 19 juillet, par une longue dépêche qui n’était pas un récit officiel de la bataille, mais une acerbe critique de la conduite du Duc de Bourgogne[3].
A la vérité, il ne s’en prend point à lui directement, mais à Puységur, que le Roi savait bien être le conseiller ordinaire du Duc de Bourgogne. C’est Puységur qu’il rend responsable de
- ↑ Dépôt de la Guerre, 2075, Louis XIV à Vendôme, 16 juillet 1708.
- ↑ Dépôt de la Guerre, 2081, Vendôme au Roi et à Chamiliart, 14 juillet 1708.
- ↑ Cette lettre, dont l’original est au Dépôt de la Guerre, vol. 2081, a été publiée in extenso par Pelet, t. VIII, p. 290. Mais Bellerive, sentant le tort qu’elle pouvait faire au duc de Vendôme, a eu soin de la supprimer dans son récit de la campagne de Flandre. Il est à remarquer à ce propos que, dans ce récit, lorsqu’il cite des documens dont l’original est au Dépôt de la Guerre, souvent il en altère le texte.