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vous n’êtes pas visible quand on vient pour vous voir, ne regardez pas à la fatigue des gens, autrement vous seriez sans cesse ennuyée par des importuns ; ils ne seront pas assez bêtes pour rester toujours devant votre porte si vous ne descendez pas. Ah ! comme je saurais faire cela à présent et sans me gêner ! De cette manière, vous mènerez une vie aussi tranquille qu’on peut le désirer, en pensant à son salut.

« Je vous écris pendant la nuit, car je suis très occupé. Je joins à mes travaux ordinaires l’étude de la géographie que j’ai honte d’ignorer et qui est de la première nécessité dans le monde. A propos, je suis charmé de vous faire savoir que j’ai appris, en deux jours, l’arithmétique et les quatre règles.

« Il faut être instruit, surtout quand on est reçu partout comme moi ; ainsi je vais très souvent chez M. d’Arjuzon où il y a toujours des gens de la première volée ; il faut donc que je montre des talens et que je ne passe pas pour ce qui s’appelle bête. Il me semble voir votre surprise en constatant que Poupon, qui était autrefois si paresseux, aime aujourd’hui autant le travail ; à dire la vérité, j’en suis surpris moi-même. Cela tient aux compagnies que je fréquente : entendre louer les sciences, voir le cas que l’on en fait, m’a donné le désir d’apprendre, et insensiblement j’ai pris goût au travail. Il est certain que, si j’étais resté à la maison, je n’aurais jamais rien fait, vous me gâtiez et me flattiez trop, c’est un petit malheur ; mais je ne vous en veux pas, car les femmes ne savent pas ce qu’il faut. »


« Paris, le 2 juin 1786. — C’est à la hâte que je vous écris deux mots pour m’informer de votre santé qui m’intéresse plus que tout, et pour vous rapporter le jugement rendu à propos de l’affaire du collier.

« La séance, commencée le matin, a duré jusqu’à 9 heures du soir. M. le cardinal de Rohan, qu’on voulait forcer à se démettre de toutes ses dignités avant le jugement, a déclaré qu’il aimerait mieux mourir que d’y consentir... », Suivent les dispositifs du jugement.

« Ce sont des nouvelles qui passionnent bien des gens et je vous assure que, cette fois, la poste sera joliment chargée. Adieu, tante Mimi, adieu, mon cher tout. »

Le 15 juin, Jean était de nouveau très perplexe au sujet de la carrière qu’il devait choisir ; « J’aurais pu m’engager dans les