mais tout simplement patienter jusqu’à ce que ma carrière commence à me rapporter. Je pourrai alors m’acquitter envers vous, chère tante Mimi, puis je songerai à me marier. Ne vous tourmentez donc pas, et dites-vous que ce n’est pas l’Enfant prodigue qui parle, mais la Sagesse. »
Cette question de mariage préoccupait souvent notre écolier. « Vous me souhaitez bonne fortune, écrivait-il aux environs de la nouvelle année, mais quel parti voulez-vous que je trouve étant au collège ? A vrai dire, je préfère vivre le plus que je le pourrai en garçon : c’est trop gênant, une femme ; je suis toujours le même quant à cela. »
En attendant que le moment fût venu pour lui de jouer le rôle de jeune premier. Poupon était très affairé par les préparatifs de la fête annuelle de « Monsieur le Principal, » qui devait avoir lieu le 22 octobre, et à l’occasion de laquelle les élèves auraient deux jours de congé : « Ce sont les philosophes qui, tous les ans, sont chargés de cet embarras ; me trouvant dans les anciens, j’ai été désigné, avec deux autres de mes camarades, pour recueillir les cotisations et tout organiser, ce qui n’est pas une petite affaire : nous aurons des symphonies, des feux d’artifice, et nous illuminerons tout le collège jusqu’aux toits. » Ce fut presque du génie que Jean déploya à cette occasion ; que l’on en juge : « Je ris aujourd’hui d’une aventure qui manqua tourner pour moi au tragique, voici le fait : vous sçavez, ma chère tante, que nous étions trois délégués pour diriger la fête et en faire les honneurs ; tout marcha à souhait jusqu’au souper. M. le Principal nous donna un repas superbe avec trois services et force bouteilles de vin, mais ne voilà-t-il pas que mes deux compagnons se grisèrent, de telle manière que l’un ronflait comme un chantre, tandis que l’autre pleurait à chaudes larmes ; sans doute qu’elles ne lui coûtaient pas plus qu’à une femme :...
« Fort heureusement, je ne perdis pas la tête, mais je dus quitter la table pour veiller à tout : recevoir les étrangers, placer les dames pour lesquelles il faut toujours avoir mille complaisances, me mettre en frais d’amabilité pour M. le Principal, puisque la fête se donnait pour lui, m’occuper de la musique (celle des Gardes françaises, la meilleure de tout Paris), faire jouer tous les airs que l’on souhaitait, sans oublier les rafraîchissemens à offrir, avoir l’œil aux illuminations, donner le signal du feu d’artifice et paver toutes les dépenses. Je n’ai pas trop mal