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« Sachez aussi, tante Mimi, que Paris n’est pas tel que vous et les autres me le représentiez ; vous m’en aviez tant et tant dit que j’étais très méfiant en y arrivant. A Paris, voyez-vous, il suffit simplement de savoir se gouverner, regarder à tout, être sage et surtout n’être pas enfant, autrement l’on est perdu, volé, dupé quoique garçon :... Eh bien ! vous me croirez si vous voulez, je me suis montré, moi, si rusé que je n’ai été presque pas dupe. Il n’y a rien de plus facile que de vous attraper, vous autres gens de province : aussi, à présent, si je le voulais faire, cela ne dépendrait que de moi, mais je m’en garderai bien, car je ne veux que l’équité : ce mot renferme toutes les vertus qu’un homme doit avoir.

« Il fait très froid déjà et nous n’aurons de feu qu’en novembre :... »

Il eût fallu que tante Mimi fût bien difficile pour n’être pas prodigieusement éblouie par tant de science unie à tant de sagesse ! Toutefois, il est bon de reconnaître que Jean n’était pas seul à se rendre justice. Le 21 décembre 1786, M. d’Arjuzon écrivait à Mlle d’Etchegoyen de Salles : « Je ne saurais trop vous faire les éloges de M. votre neveu, c’est un joly sujet qui se conduit on ne peut mieux. Je suis très persuadé qu’il vous donnera la satisfaction que vous pouvez désirer ; il est rangé et fort économe, car, quand je luy offre de l’argent, il me répond qu’il n’en a pas besoin, aussi n’avait-il pas dépensé celui que j’avais avant la dernière lettre de change, quoiqu’il ait plusieurs maîtres à payer, outre sa pension. »

Le jeune collégien continua à tenir sa tante au courant des incidens de chaque jour : le 14 février 1787, il lui annonça qu’il allait prendre sa seconde inscription de droit. Quand il n’avait rien d’intéressant à lui dire touchant ses occupations, il l’entretenait des nouvelles publiques.

Le 15 décembre 1786, il lui avait écrit : « Le prince Ferdinand, frère du cardinal de Rohan (qui a été mêlé à la triste affaire du collier), voulait chasser dans une propriété privée ; un garde survint et le pria poliment de se retirer, le prince traita celui-ci de polisson et lui tira un coup de fusil, le garde tomba, mais pourtant comme il se relevait, le prince, craignant sans doute de justes représailles, l’acheva d’un second coup de fusil. Décrété de prise de corps, le prince est actuellement à Versailles. Le cas est grave, attendu qu’il est archevêque et qu’il a commis