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stipulant au nom de l’Empire, abandonnait à la République la Belgique, le Luxembourg, le pays de Liège, les États allemands de la rive gauche du Rhin. Il reconnaissait à la France les limites naturelles, avec leurs bastions et leurs annexes : les Républiques batave, helvétique, cisalpine et ligurienne. La France s’attribuait ce que, depuis 1792, le Conseil exécutif provisoire, le Comité de Salut public, le Directoire n’avaient cessé d’ambitionner : le remaniement et l’arbitrage du Saint-Empire, la suppression des États ecclésiastiques, l’accroissement des États laïques par les sécularisations, la constitution possible d’une nouvelle Ligue du Rhin pour la garantie de cette nouvelle paix de Westphalie. En Italie, le Piémont occupé, la Cisalpine et la Ligurie protégées, la Toscane sous les prises, Rome à discrétion, Naples sous la menace, rendaient la France arbitre de la Péninsule et lui permettaient de pousser une pointe formidable dans la Méditerranée : « le roi, maître de la Méditerranée, » — « la Méditerranée, lac français, » autre rêve des rois et de la République, de Colbert comme de Sieyès, et que ce traité permettrait de réaliser. Jamais, même aux temps les plus glorieux de Louis XIV, la France n’avait conclu une paix aussi magnifique et par l’étendue des conquêtes et par celle de l’influence ouverte sur l’Europe.

Mais le traité de Lunéville, pour être plus somptueux, n’était pas plus définitif que ceux des Pyrénées et de Nimègue. Pour mettre fin à la seconde coalition, il n’en supprimait pas la cause, qui était précisément la volonté d’ôter à la France cette suprématie et de la refouler dans ses anciennes limites, sinon de les entamer. L’Autriche se reconnaît momentanément vaincue : elle n’est pas détruite ; elle transige, elle ne capitule pas ; elle signe un traité d’échange, moins avantageux que Campo-Formio, sans doute, mais qui, après tant de défaites, la ménage encore singulièrement, et compense ses pertes : elle acquiert Venise et la terre ferme jusqu’à l’Adige, les provinces adriatiques, l’Istrie, la Dalmatie, l’Illyrie, l’évêché de Salzbourg pour l’archiduc expulsé de la Toscane. Elle n’est pas entièrement chassée de l’Italie ; elle y conserve ses entrées ; elle n’a pas cessé d’y prétendre.

Bonaparte n’a obtenu cette paix qu’en occupant partout des positions offensives ; c’est par l’impossibilité d’en déloger les Français, en 1800, comme on l’avait fait en 1799, que l’Autriche