nécessaire de toutes, la réparation de la peinture de carène, d’où dépend en grande partie la vitesse du bâtiment…
9 décembre. — J’ai profité de quelques heures de liberté pour refaire connaissance avec l’arsenal de Cherbourg. Peu de changemens : une cale sèche qu’on allonge et dont on refait le bajoyer. C’est une étrange chose que le « progrès » en marine ; je veux dire le progrès des déplacemens. Tous les types s’agrandissent, s’allongent de façon démesurée, parce qu’on demande trop à chacun. Voici, par exemple, les croiseurs cuirassés : on veut qu’ils aient tous les genres de puissance, vitesse et rayon d’action, blindage et canons, si bien qu’on ne voit plus en quoi ils différeront des cuirassés d’escadre et que, finalement, ces croiseurs ne croiseront plus.
Tant il y a que pour satisfaire à la fois les deux écoles, celle qui ne rêve que combats d’escadre et celle qui n’a d’estime que pour les croisières du large, il a fallu porter le déplacement de ce type hybride à 12 000, à 13 000 tonnes, même, et la longueur à près de 150 mètres. Et, du coup, on n’a plus trouvé ni cales pour les construire, ni bassins de radoub pour les recevoir quand il faudra réparer leurs œuvres vives. Point d’hésitations, du reste : on a édifié de nouvelles cales ; celle du Jules-Ferry, somptueuse, coûte plusieurs millions, que l’on ne retrouve pas au budget, disent les fureteurs. On allonge les anciens bassins, on en creuse de nouveaux. Ici même, sur la jetée du nouvel avant-port, on en greffera un de 200 mètres. Soyons prévoyans !
Nos pères ne le furent pas assez : je remarque que, dans cet arsenal de Cherbourg, où tout est « venu d’un seul jet de fonte, » l’orientation des bâtimens à terre, des bassins de radoub, des cales de construction est toujours la même, le Nord Nord-Ouest, à peu près. Si l’on tient compte de la position en flèche qu’occupe ce grand établissement militaire sur un saillant de la côte, de l’insuffisance de ses avancées et des facilités qu’il offre à l’ennemi pour un bombardement ; si l’on observe, en outre, que les trajectoires des projectiles actuels sont tendues au point que les angles de chute, même aux grandes portées, ne dépassent pas quelques degrés, on est bien obligé de conclure au danger de cette direction systématique donnée aux plus importantes constructions, qui seront enfilées de bout en bout par les gerbes d’obus, tandis que toutes les autres, rangées sur la perpendiculaire à l’axe principal, formeront des écrans successifs recueillant les éclats.