oilà pour l’exaltation de l’âme. Mais ses abaissemens sont peut-être plus admirables encore. Bach a des éclats d’amour ; il en a des soupirs aussi et, dans la Passion, dans les Cantates, son humilité fait sa grandeur. Non pas seulement la sienne, mais la nôtre : tantôt celle de chacun de nous et tantôt celle de nous tous. L’œuvre sacrée de Bach abonde en mystiques et solitaires oraisons. A l’entrée de l’immense vaisseau qu’est la Passion selon saint Matthieu, le double chœur élève ses deux tours. Mais franchissons le seuil formidable : nous trouverons à chaque pas, entre les piliers gigantesques, des chapelles obscures et des recoins d’ombre, faits pour la prière et pour les pleurs. C’est un récitatif, un petit choral, un air, surtout un de ces ariosos, merveilles parmi tant de merveilles, où l’âme, abîmée dans la douleur et dans la tendresse, semble vraiment s’appliquer les souffrances et les mérites du Sauveur.
Plus souvent encore que la Passion, lisons les Cantates. Elles sont vraiment, en musique, le manuel ou le bréviaire de la vie intérieure, un trésor inépuisable de psychologie religieuse. Lisons-les, comme dit l’Imitation, qu’on peut citer à propos d’elles, après avoir fermé sur nous la porte de notre chambre. Tous les mystères y sont médités, et particulièrement celui de l’amour et celui de la mort. L’un et l’autre se trouvent réunis dans l’admirable Cantate : Christ tag in Todesbanden. Un choral unique en fait la matière, identique toujours, mais constamment renouvelée. Ici, par le génie symphonique et presque par le procédé même du leitmotiv, Bach annonce vraiment Wagner. Quelquefois il développe le thème du choral, il l’étend jusqu’aux dimensions d’un air, d’un duo, d’un chœur. Parfois, au contraire, et, par exemple, à la fin, il l’enferme dans la stricte formule du choral même, pratiquant ainsi les deux grandes opérations de l’esprit, l’analyse et la synthèse, avec une maîtrise égale.
Cette cantate est mêlée étrangement de douleur et de joie. Elle a pour sujet la mort du Christ, source et gage de notre vie éternelle. Par-là se justifie, d’un bout à l’autre de l’œuvre, l’alternance des lamentations et des Alleluia. Nulle part cette vicissitude n’est plus émouvante qu’en certain duo pour voix de femmes. Les paroles, qui sont de Luther, disent à peu près ceci : « La mort, nul ne pouvait la vaincre. Parmi les enfans des hommes, il n’y avait que péché ; nulle part ne se rencontrait l’innocence. De là vint la mort, qui reçut pouvoir sur nous. Elle