Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/674

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le minihi, entourait le monastère et jouissait des plus précieuses immunités. Les monastères, en langue bretonne, s’appelaient pabu, du nom des moines (papæ). Le monastère de Tréguier s’appelait ainsi Pabu-Tual, du nom de saint Tudwal ou Tuai, son fondateur ; il fut le centre religieux de toute la partie de la péninsule qui s’avance vers le Nord. Les monastères analogues de Saint-Pol-de-Léon, de Saint-Brieuc, de Saint-Malo, de Saint-Samson, près de Dol, jouaient sur toute la côte un rôle du même genre. Ils avaient, si on peut s’exprimer ainsi, leur diocèse ; on ignorait complètement, dans ces contrées séparées du reste de la chrétienté, le pouvoir de Rome et les institutions religieuses qui régnaient dans le monde latin : en particulier dans les villes gallo-romaines de Rennes et de Nantes, situées tout près de là[1]. »

Jusqu’en ces dernières années on savait peu de chose sur la vie monastique de cette première Eglise bretonne, les documens authentiques faisant à peu près défaut, mais en 1895, M. de la Borderie, étudiant les Monastères celtiques aux VIe et VIIe siècles[2] d’après les usages de l’île d’Iona que le docteur Ruves nous avait révélés dans sa Vie de Saint Columba, établit d’une façon certaine que l’Eglise bretonne était organisée sur le modèle de celle d’Irlande et que souvent ce furent les mêmes apôtres qui ouvrirent ou réformèrent les monastères irlandais et fondèrent ceux de la péninsule armoricaine. « Tels, disait-il, saint Cado, saint Samson, saint David et saint Gildas. Ce dernier, avant de passer sur le continent où il sema de nombreux monastères, avait longtemps, en Irlande, prêché, enseigné, formé de nombreux disciples, entre autres, saint Finnian de Clonard, dont les disciples à leur tour couvrirent de leurs monastères et de leurs prédications l’île scotique, au point d’être appelés les « Douze Apôtres de l’Irlande. » Il y avait donc identité absolue entre le monachisme irlandais (ou scotique) du VIe siècle et le monachisme breton. D’ailleurs la preuve en était faite, en ce qui touche la Bretagne armoricaine, par le diplôme de Louis le Débonnaire constatant qu’en l’an 818 les moines de ce pays gardaient encore la tonsure ecclésiastique et la discipline monastique des Scots[3].

Mais, comme le dit M. Ernest Renan. « quand Nominoë, au IXe siècle, organisa pour la première fois d’une manière un peu

  1. Souvenirs d’enfance et de jeunesse, par Ernest Renan, p. 2.
  2. Rennes, J. Plihon et Hervé, 1895.
  3. Cf. D. Morice, Preuves de l’Histoire de Bretagne, I, 228.