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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/683

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— et c’est encore M. de la Borderie qui nous les a fait connaître[1] — ayant mis dans ce vaisseau long de 112 pieds de roi tout ce qu’il y avait d’art, de poésie, de piété dans la cervelle des Bretons de ce temps.

Je pourrais vous parler à présent de la campagne que mena M. de la Borderie contre les « Vandales » qui démolirent la Collégiale de Nantes, la porte Bécherel à Rennes et la Porte-Prison à Vannes ; mais cela nous entraînerait trop loin, et j’ai hâte de le montrer sous un nouveau jour.


IV. — LE CRITIQUE LITTÉRAIRE

Après le monument, le livre. Ils se complètent l’un par l’autre, et, si l’architecture gothique parut en Bretagne comme partout ailleurs longtemps avant l’imprimerie, il n’en est pas moins vrai que l’imprimerie commença d’y fleurir, au moment où le gothique flamboyant était en pleine floraison. Chose curieuse et qu’on n’est pas encore parvenu à expliquer, ce fut dans un village du nom de Bréhant-Loudéac, en 1484, que fut installée la première presse. L’imprimeur s’appelait Robin Fouquet et était patronné par Jean de Rohan, seigneur du Gué de l’Isle. En peu de temps, il n’imprima pas moins de dix ouvrages de langue française. De ce nombre étaient Patience de Grisélidis, les Loix des trépassés, le Bréviaire des Nobles, le Songe de la Pucelle, etc. Robin Fouquet fit un élève, Jean Crès, qui se transporta à l’abbaye de Lantenac et là, dans cet asile de paix et d’étude, sous la protection des moines bénédictins, édita tour à tour les Voyages de Mandeville, une paraphrase rimée des Sept psaumes pénitentiaux et le Doctrinal des Nouvelles-Mariées. Vers le même temps, le chapitre de la cathédrale de Tréguier attirait dans ses murs un autre imprimeur qui ne nous est connu que par ses initiales J.-A.-P. Il venait probablement des Flandres, d’où il avait tiré son matériel. À ce premier imprimeur en succéda un second, Jean Calvez, qui fut attaché à la personne de l’évêque et qui, à l’instigation du chanoine Auffret Quoatqueveran, imprima le Catholicon ou dictionnaire latin-français et breton. Qui sait si M. Ernest Renan n’a pas appris à lire dans ce livre ? Il dit bien qu’il était défendu de parler breton au petit

  1. Mosaïque bretonne, Notre-Dame de Kemascleden.