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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/693

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sur Paris, il mourut au mois de juillet 851, et cet événement obligea ses troupes à rentrer dans les frontières bretonnes. Mais il avait un fils qui était de tous points digne de lui. Erispoë, ayant appris que Charles le Chauve venait de mettre en mouvement de nouvelles forces pour envahir la Bretagne, marcha à sa rencontre « au-delà du fleuve de Vilaine, » et le choc général eut lieu le 22 août 851. Les Bretons, selon leur coutume, combattirent, disent les chroniques, en se dérobant (fugaci more suorum). Montant de petits chevaux vifs et légers, ils s’élançaient sur les grosses masses de l’armée franque et les criblaient de javelots. Au moindre mouvement de l’ennemi, ils tournaient le dos ; les Francs s’ébranlaient alors pour les poursuivre, mais les cavaliers bretons, faisant tout à coup volte-face, entouraient les bataillons en marche, rompaient leurs lignes avec l’aide de l’infanterie bretonne, et, une fois rompus, les poursuivaient et les taillaient en pièces.

Ainsi avait été gagnée, en 845, la bataille de Ballon, qui dura deux jours. Ainsi fut gagnée la journée du 22 août 851. La plus grande partie de l’armée de Charles le Chauve y périt avec ses principaux chefs, et le roi lui-même n’échappa à la mort qu’en prenant la fuite. Arrivé à Angers, il fit des propositions de paix à Erispoë, qui les accepta. Charles le Chauve lui accorda, avec les insignes de la royauté, la souveraineté du territoire abandonné par lui à Nominoë, c’est-à-dire de toute la partie de la péninsule armoricaine comprise à l’ouest d’une ligne allant de l’embouchure de la Vilaine à celle du Couësnon. Il y joignit, disent les Annales de Saint-Bertin, le pays de Rennes, de Nantes et de Retz, qui avait formé jusque-là la marche franco-bretonne ; et comme cette marche, bien que passée sous le pouvoir des princes bretons, était encore censée faire partie du royaume gallo-franc, Charles le Chauve voulut (pie, pour cette partie de ses États, Erispoë se reconnût le fidèle du roi des Gaules en mettant ses mains dans les siennes. Erispoë y consentit, mais exigea en retour un accroissement de territoire composé de la portion du Maine et de l’Anjou située à l’ouest de la rivière de Mayenne : aussi, dans ses chartes et dans ses diplômes, le voit-on s’intituler tantôt « roi de la nation bretonne, » tantôt « prince du pays de Bretagne jusqu’à la rivière de Maine ou de Mayenne. » Il avait même quelques possessions à l’est de la Maine, tout au moins à Angers, à l’abbaye de Saint-Serge, car, en 1210, un