Stuttgard et de Brera) ; dans celle de la Vie de saint Georges et de saint Jérôme (Scuola di San Giorgio di Schiavoni) et surtout dans le cycle du Martyre de sainte Ursule peint de 1490 à 1495 (autrefois à la Scuola de la Sainte, et maintenant à l’Académie des Beaux-Arts de Venise), Carpaccio se plaît à joindre aux élémens pittoresques qu’il a pu voir au cours de ses voyages, ceux qu’il a sous les yeux à Venise même. Mais sauf dans certains épisodes comme le Miracle de la Sainte Croix (Académie des Beaux-Arts) où il avait à reproduire scrupuleusement une vue de cette ville, il ne faudrait pas chercher dans ses œuvres le portrait fidèle des localités où se passent ces épisodes. En général, le paysage pur n’occupe dans ses tableaux qu’une place très restreinte et c’est l’architecture qui y domine. Le plus souvent les monumens qu’il y a groupés appartiennent aux styles les plus divers et même les plus fantaisistes : qu’il s’agisse de Cologne, de Londres ou de Rome, ces édifices sont réunis sans aucun souci de la vérité, ni même de la vraisemblance et font un peu l’effet de ces décors de théâtre qu’un imprésario de rencontre, mettant à profit ce qu’il a sous la main, utilise et transpose à son gré, en vue d’une représentation improvisée. Mais malgré ces anomalies les aspects d’ensemble obtenus par Carpaccio, tout infidèles qu’ils soient, ne manquent pas d’une certaine cohésion. Par la vérité des types, des costumes et des accessoires, ils nous offrent d’ailleurs sur la vie et les mœurs vénitiennes, à cette époque, des informations aussi abondantes que précieuses. Il n’est que juste d’ajouter aussi qu’en dépit de cet étalage un peu indiscret de portiques, de coupoles, de marbres précieux, d’or, de bijoux, de tapis et d’étoffes diaprées, l’artiste a su éviter la bigarrure. La mer et le ciel, dont les intonations et les valeurs sont très justement rendues, lui ont fourni des espaces tranquilles qui tempèrent ce que ces colorations éclatantes auraient d’excessif ou de heurté, et, si l’effet général est somptueux, il reste cependant plein de douceur et d’harmonie.
Grâce à sa longue carrière et à la supériorité de son talent, Giovanni Bellini devait avoir sur ses contemporains une action encore plus marquée que celle de son frère, puisqu’elle ne s’exerça pas seulement sur ses élèves, mais sur des artistes qui par leur éducation et leurs débuts ne semblaient guère préparés à la subir. C’est ainsi qu’à son exemple Giovanni Battista da Conegliano, plus connu sous le nom de Cima — et l’on ignore ce qui