Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 10.djvu/873

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les chantiers qui en produisaient. « Chaque matin, trois heures avant l’arrivée des ouvriers mineurs, les pénitens, appelés aussi canonniers, descendaient dans la mine. Ils portaient des habits de forte toile, et se couvraient la tête d’un capuchon. Ils s’avançaient à une certaine distance des chantiers signalés comme suspects ou dangereux. Tandis que l’un d’eux restait caché dans une galerie, l’autre, ayant pris soin de mouiller ses vêtemens, et s’étant armé d’une longue perche portant une mèche allumée à son extrémité, s’approchait en rampant, jusqu’à ce que la flamme de la mèche commençât à s’allonger. Aussitôt il se couchait face contre terre, et élevait la perche vers le faîte du chantier. Le gaz s’enflammait et produisait une détonation plus ou moins forte. Trop souvent l’ouvrier était plus ou moins grièvement blessé ou brûlé. Le camarade, resté en arrière, accourait à son secours, et l’aidait à retourner vers le puits ou la fendue de sortie. »

L’introduction, entre 1815 et 1820, de la lampe de Davy vint, en faisant plus rares les coups de grisou, épargner beaucoup de malheurs, suivis de beaucoup de misère. Jusqu’alors, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, en Angleterre et en Belgique, on n’employait pour l’éclairage des mines que la chandelle, — laquelle, si étrange que cela paraisse, était encore en usage à Anzin, en 1845. Mais, dès 1815, le correspondant anglais qui informait le savant physicien et astronome Biot de la découverte de Davy ajoutait : la lampe de sûreté à treillis métallique est appelée à rendre d’inestimables services, « à la condition toutefois de ne pas détourner l’attention des propriétaires de mines d’une autre recherche qui serait d’une bien plus grande importance, nous voulons parler du renouvellement de l’air dans les mines. » Déjà en 1795, l’inspecteur général des mines Baillet professait que, dans les mines à grisou, l’emploi d’un bon aérage était la meilleure garantie à recommander contre les dangers du gaz inflammable.

Mais l’aérage demeurait très défectueux, et ces théories mêmes n’étaient pas admises sans contestation. « La plupart des mines communiquaient avec l’extérieur par plusieurs ouvertures, et l’aérage naturel suffisait, à peu près, aux besoins des exploitations qui n’occupaient qu’un personnel restreint et dont les travaux avaient une faible étendue. Nous disons à peu près, car, dans la saison chaude, ou dans les saisons de transition, le mauvais air (la force) rendait souvent le travail impossible. On citait assez fréquemment des cas d’asphyxie. » Lorsqu’il n’y avait