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disait à Paris des acquéreurs de biens nationaux, semblaient à la discrétion de la République, qui leur avait si largement distribué les terres, les hommes, leurs âmes et leurs droits dont personne n’avait jamais parlé dans les marchés. En même temps, se préparait à Paris la proclamation du Consulat à vie. « Bien des personnes, écrivait Markof, le 5 juin, sont persuadées qu’après ce pas, Bonaparte prendrait un autre titre et se ferait appeler empereur des Gaules. Ce ne serait pas un vain titre, car, en effet, il les a toutes réunies sous la domination française. »

C’est alors que, croyant avoir, pour un temps, rattaché le continent à sa politique, il s’occupa d’établir avec l’Angleterre des rapports réguliers. A l’image des Anglais mêmes, qui possédaient en France un service de renseignemens et une agence d’émissaires parfaitement montée, il remonta celle de la France en Angleterre et y détacha un essaim d’observateurs politiques et commerciaux, parmi lesquels un voyageur intellectuel, Fiévée, des policiers et contre-policiers pour les émigrés de Londres. Il fallait un ambassadeur en titre. Il fit choix du général Andréossy, et Talleyrand s’occupa de dresser les instructions[1].

Le premier soin d’Andréossy sera de « s’appliquer toujours à réclamer et à promettre l’exécution littérale des stipulations arrêtées » par le traité d’Amiens. Pour ce qui est de Malte, il lui « sera donné des instructions spéciales et successives. » Le second objet de sa mission sera « d’éloigner, en chaque occasion, toute intervention du gouvernement britannique dans les affaires continentales. » Le troisième sera le commerce. Le Premier Consul considère qu’un traité de commerce « ne peut être que l’ouvrage de beaucoup de méditations et de temps. » Il ajourne toute convention de ce genre ; mais il est disposé à négocier « une série d’arrangemens particuliers et de compensations calculées d’après les intérêts respectifs du commerce des deux nations… Le gouvernement français ne peut lever subitement toutes les prohibitions établies sur le commerce anglais et ouvrir la porte aux produits de l’industrie anglaise, sans porter un notable préjudice aux manufactures nationales, qui, depuis quelques années, ont reçu, il est vrai, une impulsion favorable, mais qui n’ont encore eu, soit en capitaux, soit en approvisionnemens de matières premières, aucun des moyens qui peuvent les mettre à

  1. Elles portent la date du 1er juillet 1802.