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Les senteurs des bouquets se sont comme attendries,
Et l’or des purs flambeaux se répand dans le soir.
Comme il fait bon rêver, comme il fait bon s’asseoir
Dans la profonde paix de vos salles fleuries !

Les parfums d’aujourd’hui montant comme des vœux
Ont éveillé dans l’air l’âme des roses mortes
Dont l’agonie eut pour témoins ces murs, ces portes,
Au temps du clavecin propice aux lents aveux.

Oui, j’ai senti flotter comme de lents aveux
Tous les rêves passés en légères cohortes :
Ici, Lamballe, et cette odeur des roses mortes
En guirlande effeuillée autour de tes cheveux.

Quand la nuit solennelle approfondit ses ondes, —
Une subtile odeur s’est infiltrée en nous,
Fantôme des bouquets évanouis, si doux ! —
Les senteurs des bouquets sont aussi plus profondes…


LE RETOUR D’EMMAÜS


Heureux les voyageurs du chemin de Judée
Quand le soir descendait ému, silencieux ;
Quand, le front rayonnant du mystère des cieux,
La nuit se reposait sur les monts accoudée !

Certe, ils connaissaient bien le tourment de l’idée ;
Un désespoir amer avait séché leurs yeux,
Et la voix prononçant des mots délicieux
Mettait un doux rayon sur l’âme dénudée.

En leur poitrine enfin brûlaient ces pauvres cœurs,
Allumés par les mots de feu, les mots vainqueurs,
Échos de la parole ineffable et profonde.

Il est bon de marcher à deux, au gré du vent,
Par de sombres chemins où l’on porte en rêvant
Un secret enflammé pour embraser le monde.