château délabré, où les ouvriers du pays n’étaient pas encore venus à bout de lui arranger une chambre à coucher. Elle ne pouvait plus vivre sans « la comédie ; » le théâtre passa avant tout. Il fut prêt en février 1653, et inauguré aussitôt par une troupe ambulante, engagée pour la saison. La salle était commode, mais très froide. La cour de Saint-Fargeau y descendait de ses galetas tout emmitouflée, les dames coiffées de bonnets de fourrures. Les gens assez heureux pour être invités accouraient de dix lieues à la ronde grelotter de compagnie. Mademoiselle était parfaitement contente : — « J’écoutais la comédie avec plus de plaisir que je n’avais jamais fait. » Nous ne savons plus ce que c’est que d’aimer le spectacle.
D’après la gazette de Loret, la pièce d’ouverture avait été une pastorale, « moitié gaie et moitié morale. » Mademoiselle aimait ce genre un peu démodé ; Segrais avait conservé un joli souvenir d’un soir d’été passé en forêt, à écouter dans le décor naturel d’une haute futaie une Amarillis vieillotte, « repolie » et remise à la scène par quelque écrivain de métier. Mademoiselle, au surplus, aimait tout en fait de théâtre, depuis la tragédie jusqu’aux chiens sa vans. On lit dans une bagatelle de sa façon[1], écrite en manière de passe-temps et imprimée pour divertir ses amis : — « Les comédiens, c’est chose nécessaire ; de Français et d’Italiens ; des bateleurs, sauteurs de corde et buveurs d’eau, sans oublier les marionnettes et joueurs de gobelets ; des chiens dressés à sauter, et des singes pour montrer aux nôtres ; des violons,... des baladins et bons danseurs. » Sans vouloir prendre cette boutade au pied de la lettre, elle s’accorde avec le récit que nous a laissé un témoin de l’une des représentations de Saint-Fargeau. On donnait Les plaisirs de la campagne, ballet mêlé de chant. Le grand succès ne fut ni pour la déesse Flore, ni pour « l’amant mélancolique ; » il fut pour deux enfans déguisés en singes, et exécutant « avec cadence tout ce qu’on apprend à ces animaux. » Deux fois la semaine, les plaisirs et les soucis de Saint-Far- geau étaient variés par l’arrivée de lordinaire, apportant les lettres et les gazettes. Les nouvelles que l’on n’osait confier à la poste s’apprenaient par les visites de Paris ou par des messagers spéciaux. On se tenait à peu près au courant des événemens
- ↑ La Relation de l’Isle imaginaire, imprimée en 1659, à peu d’exemplaires, avec l’Histoire de la Princesse de Paphlagonie. Nous y reviendrons en temps et lieu