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BIZERTE

Tunis et Bizerte sont deux voisines, que moins de soixante-dix kilomètres séparent, mais qui ne se ressemblent guère. — Tunis, assise au fond de son lac bleu où volent des flamans roses, sous son ciel presque toujours pur, apparaît, avec ses maisons blanches et ses minarets, comme une cité orientale. Fière de ses cent cinquante mille habitans, de ses quartiers indigènes, si pittoresques avec leurs rues tortueuses, leurs mosquées et leurs souks, orgueilleuse aussi de ses nouvelles avenues, de ses élégantes villas européennes, Tunis mire avec complaisance sa beauté dans les sebkas qui étendent autour d’elle leurs nappes d’azur. Elle n’est ni tout à fait française, ni complètement orientale ; sa physionomie reflète cette conception politique originale qu’est le protectorat. Tunis n’est pas la France, comme cette Alger où il faut chercher jusque sur les hauteurs de la Kasbah un reste de la cité des deys ; laborieuse et active, mais aussi coquette et voluptueuse, elle a, dans sa toilette levantine, quelque chose du charme alangui des villes de l’Asie musulmane ; bien que l’avenue de France s’anime, au déclin du jour, d’un chatoiement d’uniformes bariolés, Tunis n’a pas l’aspect d’une place forte ; elle tourne son activité vers les affaires et vers les plaisirs. Les Français qui y vivent subissent très vite son influence séductrice ; tout en restant attachés à la mère-patrie, ils deviennent bientôt, et ils en conviennent facilement, des Tunisiens. Tunis est une capitale ; elle tient à son titre et à ses prérogatives. Quelque peu personnelle, comme le sont les belles filles d’Orient, elle place volontiers les intérêts tunisiens avant ceux de la