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sur les premières années de Bizerte, précisait joliment ces jours derniers, la vocation des deux villes, quand il disait : « Dans l’Afrique du nord, à côté de Tunis la blanche, se trouvera Bizerte la forte. » Quand elle contemple son merveilleux lac, vaste et profond, abrité des vents du large, comme des injures d’une flotte ennemie, son canal et son port, les gracieuses collines qui s’inclinent vers elle et le promontoire du Djebel-Zerhoun qui, en face de la Sicile, sépare en deux bassins la grande mer Intérieure, Bizerte peut être fière d’elle-même et confiante dans ses destinées ; il lui semble, dans son rêve d’avenir, que le sceptre de la Méditerranée peut échoir, un jour, à l’héritière de Carthage.


I

Pour embrasser d’un coup d’œil le magnifique panorama de Bizerte, de ses lacs et de son golfe, c’est au fort du Djebel-Kébir que nous montons. Du haut de ses 277 mètres, il domine tout le pays d’alentour. Du côté de la mer, entre le Ras-Zebib et le cap Blanc, s’ouvre, en demi-cercle, une large baie qui se confond, au loin, avec l’immensité des flots. Une fumée raye la limpidité monotone des eaux bleues : c’est un vapeur qui passe au large et qui vient reconnaître l’île Cani, dont le piton isolé se dresse, dans le prolongement du Ras-Zebib, comme une borne sur une grande route. C’est bien, en effet, une grande route de la mer qui s’allonge devant nous, et les bateaux qui entrent dans le bassin occidental de la Méditerranée ou qui en sortent la suivent invariablement ; sauf ceux qui, pour gagner les ports d’Italie ou de Provence, traversent le détroit de Messine, tous défilent en vue de Bizerte. Le sémaphore du cap Blanc, qui s’élève au sommet du Djebel-Nador, signale en moyenne un grand vapeur par heure, vingt-quatre par jour !

À nos pieds, c’est la vieille Bizerte, la Bizerte arabe et maure, avec ses terrasses et ses maisons blanches ; c’est l’avant-port, le canal, que coupe la haute silhouette du pont-transbordeur, le quai, où s’alignent les constructions de la nouvelle ville, la baie de Sebra et la baie « Sans nom, » avec la flottille de la « défense mobile ; » le long des rives du lac, la voie du chemin de fer file vers Tunis. Du côté du sud, le canal, s’élargissant, débouche dans une immense nappe, véritable mer intérieure, de 12 000