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Au centre du continent, les Belges, suivant le cours du Congo et de ses principaux affluens, ont soumis toute une immense région à un système de cueillette méthodique des richesses végétales et animales spontanées, notamment du caoutchouc et de l’ivoire. Les Français s’efforcent, un peu plus au nord, d’imiter les Belges, puis, dans l’ouest africain tropical, prolongeant la poussée qu’avait commencée Faidherbe, il y a près de cinquante ans, ils ont avancé et ont établi des postes jusqu’aux deux tiers à peu près du continent, ne s’arrêtant qu’au point de contact avec les Anglais, qui, par la vallée du Nil, descendaient du nord-est.

Ainsi, de tous côtés, le continent africain était l’objet d’un travail de pénétration et d’assujettissement à l’Europe, sauf d’un seul côté, celui du nord central et du nord occidental. Aucun effort n’était fait du milieu du bassin de la Méditerranée pour effectuer une jonction avec le centre de l’Afrique, pour y constituer à la fois une ligne de communication permanente et une continuité de domination européenne. Et, cependant, c’est seulement par le nord que le continent noir peut être mis en relations étroites et rapides avec l’Europe, et que les possessions européennes d’Afrique peuvent être rattachées directement aux capitales des puissances qui colonisent ce continent, Paris, Londres, Bruxelles, Berlin.

Pourquoi négliger ainsi la voie directe et courte, s’obliger à d’énormes détours, causant des retards prolongés ? Le Sahara, ou plutôt la superstition du Sahara, en était la seule cause. Cette immense étendue, que l’on a l’habitude de regarder comme un désert de sable brûlant et mouvant, déconcertait les imaginations européennes ; elle les jetait dans un effroi semblable à celui qu’éprouvèrent les anciens navigateurs quand, sortis des Colonnes d’Hercule, portes de la Méditerranée, ils venaient à perdre de vue la terre : aux uns et aux autres, il semblait que l’abîme et une mort certaine et horrible les attendissent.

Cependant, depuis les temps historiques, les relations de l’Europe avec le centre de l’Afrique se sont toujours effectuées par la voie terrestre naturelle et directe, du nord au sud, c’est-à-dire à travers le Sahara. Aujourd’hui même, quoique la prise de pos cession par une nation européenne de la plus grande partie de la Berbérie et la suppression d’une des branches importantes de l’ancien commerce, le trafic des esclaves, aient