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tourphare, une passe de 420 mètres s’ouvrait. Cette disposition n’empêchait pas la grosse mer de s’engouffrer dans l’avant-port et d’y produire des ensablemens. En outre, les événemens de Santiago de Cuba attirèrent l’attention des marins sur un inconvénient plus grave : un bâtiment, venant du large, pouvait, en gouvernant droit devant lui, entrer à toute vitesse jusque dans le chenal et, en s’y échouant, « mettre en bouteille » l’escadre qui aurait cherché un refuge dans le lac. Pour parer à ce danger, l’on achève en ce moment de prolonger de 200 mètres, dans son propre alignement, la digue du Nord, et, en avant de l’ancienne passe, une digue nouvelle, longue de 610 mètres, commence à sortir de l’eau ; elle laissera, entre elle et la digue Nord, une passe de 320 mètres, et une autre de 680 mètres entre elle et la digue Est. La construction de ce nouveau brise-lames, par des fonds de 17 à 19 mètres, est une laborieuse et difficile opération, aujourd’hui en voie d’achèvement ; des enrochemens forment un soubassement en remblai, sur lequel d’énormes blocs de béton, longs de 33 mètres et pesant 5 000 tonnes, maçonnés sur la berge, montés sur des armatures de fer, et coulés côte à côte, constituent la digue. Dès maintenant, le résultat désiré est atteint : un bâtiment ennemi ne pourrait plus pénétrer dans l’avant-port qu’en décrivant une série de courbes qui le forceraient à ralentir sa vitesse et à passer sous le feu convergent de toutes les batteries des côtes. Le danger de « mise en bouteille » se trouve, d’ores et déjà, conjuré.

A Bizerte, le port et la ville sont deux jumeaux qui ont grandi en même temps. Il y a dix ans, des grèves de sable, des marais où serpentait le déversoir du lac, occupaient tout l’espace entre le goulet et les vieilles murailles arabes. Avec les matériaux enlevés par les dragues, tout cet emplacement a été remblayé, bordé de quais, et la nouvelle Bizerte s’y est élevée. Du premier coup, elle a voulu être une grande ville et elle s’est préparée à devenir le centre de la domination française en Tunisie. Les terrains nouvellement nivelés ont été régulièrement divisés, al lotis, mis en vente ou attribués aux divers services publics de la ville. Au milieu du vaste quadrilatère, un lot a été aménagé en un jardin, d’où partent en diagonale quatre avenues. Malheureusement, une grande partie des terrains sont encore vides ; des îlots de maisons, répandus çà et là, sporadiquement, ne sont pas encore parvenus à se rejoindre. Bizerte, quelque peu