âme. Et pourquoi Faust ne donnerait-il pas son âme ? Son âme n’est-elle pas à lui ? Le mot de damnation ne l’effraye pas, car qu’est-ce autre chose qu’un mot ? L’enfer sera pour lui l’Élysée ; il conversera avec les anciens philosophes. Il a des momens où il est plus diabolique que Méphistophélès. Quand celui-ci lui parle du temps où il voyait la face de Dieu, il lui répond : « Quoi ! le grand Méphistophélès est à ce point ému d’être privé des joies du ciel ! Apprends donc de Faust le mâle courage, et méprise ces joies que tu ne posséderas plus jamais. » Mais, dans d’autres momens, le bon ange semble reprendre le dessus : « Oh ! quelque chose résonne à mon oreille : Faust, abjure cette magie, retourne à Dieu ! » Et qu’est-ce donc que cette haute science qu’on lui a promise ? Après une leçon d’astronomie, il dit à Méphistophélès : « Comment ! c’est tout ce que tu sais ? Wagner pourrait m’en apprendre autant. » Il implore le Christ, dont le sang a coulé pour tous les hommes, et il faut que Lucifer apparaisse en personne pour lui rappeler sa promesse, et que Méphistophélès invente de nouvelles séductions pour le retenir. Hélène, la plus belle des femmes qui ont vécu, remonte pour lui du séjour des ombres. Mais, enfin, le soir de son dernier jour arrive : « Ah ! Faust, tu n’as plus qu’une pauvre heure à vivre, et puis tu seras damné pour l’éternité. Arrêtez-vous, sphères toujours mouvantes du ciel ! Que le temps ne marche plus, et que minuit ne vienne jamais ! Bel œil de la Nature, lève-toi, lève-toi encore, et fais un jour perpétuel ! Ou, du moins, que cette heure soit une année, un mois, une semaine, un jour ordinaire, afin que Faust puisse se repentir et sauver son âme ! Mais les astres se meuvent toujours, le temps se précipite, la cloche va sonner, le démon va venir, et Faust sera damné… La demi-heure est passée, l’heure entière le sera bientôt. Ô Dieu, si tu ne veux pas avoir pitié de mon âme, cependant, pour l’amour du Christ dont le sang m’a racheté, mets un terme quelconque à ma peine. Que Faust vive en enfer mille ans, cent mille ans, mais qu’à la fin il soit sauvé !… Ô mon âme, change-toi en gouttelettes et tombe au fond de l’Océan, afin qu’on ne te retrouve jamais ! »
Le chœur engage les spectateurs, dans les dernières lignes, à ne pas appliquer témérairement leur esprit à des mystères que Dieu a voulu cacher aux hommes. La leçon est grandie ; elle ne porte plus sur tel ou tel commandement à observer, sur tel ou tel péché à éviter, mais sur la destinée humaine en gé-