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des fondateurs de l’Almanach des Muses de Gœttingue, qu’il avait connu à Wetzlar, un exemplaire de Gœtz de Berlichingen, qui venait de paraître, et Gotter lui répond par une pièce de vers humoristique, qui se termine par ces mots : « Envoie-moi le Docteur Faust, dès qu’il sera sorti de ta tête en ébullition. » En septembre 1774, Gœthe communique à Klopstock, de passage à Francfort, les scènes qu’il vient d’écrire, et Klopstock exprime le vœu que l’ouvrage s’achève. Un mois après, un autre rédacteur de l’Almanach de Gœttingue, Henri-Chrétien Boïe, écrit, dans une relation de voyage : « J’ai passé une excellente journée avec Gœthe ; il m’a montré beaucoup de choses, terminées ou non, et tout porte, au milieu des étrangetés et des incorrections, l’empreinte du génie. Son Docteur Faust est presque fini, et il me semble que c’est ce qu’il a produit jusqu’ici de plus grand et de plus original. » C’est ce Faust presque fini, le Faust primitif, ou le Urfaust, comme on l’appelle aujourd’hui, que Gœthe apportait à Weimar, en 1775. Il comptait le revoir plus tard, le compléter dans certaines parties, le châtier dans d’autres, en tout cas, le soustraire aux regards du public dans l’état imparfait où il l’avait laissé. Mais il comptait sans le zèle indiscret d’une demoiselle d’honneur de la duchesse Amélie, la malicieuse petite bossue Louise de Gœchhausen, un des ornemens du salon ducal par la vivacité de son esprit, et qui eut elle-même plus tard son salon dans la mansarde qu’elle occupait au château. Mlle de Gœchhausen faisait collection de tout ce qui lui tombait sous la main, et elle en composait sa bibliothèque manuscrite. Elle servait quelquefois de secrétaire à Gœthe, et elle écrivait sous sa dictée des pièces de circonstance. Comment a-t-elle pu tenir le Faust en sa possession assez longtemps pour en prendre copie fidèle, pour le reproduire jusque dans les fautes d’orthographe ? Peu importe. Ce dont il faut lui être reconnaissant, c’est de nous avoir conservé un des documens les plus curieux de la littérature allemande.


VIII

Lorsqu’en 1885, après la mort du dernier des petits-fils de Gœthe, on eut l’idée de réunir dans le château de Weimar tout ce qui concernait la vie et les œuvres du poète, les savans se mirent en campagne pour enrichir ce qui s’appela d’abord les Archives de Gœthe, ce qui devint quatre ans après les Archives