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l’Italie. — L’Italie, disaient-ils, ne pourra jamais tolérer cela ; son honneur y est engagé ; il y a des choses contre lesquelles un pays qui se respecte doit se révolter ! — Pour l’Italie, c’était une obligation ; mais pour eux ce n’en était pas une. L’Italie a beaucoup trop d’esprit politique pour n’avoir deviné tout de suite et déjoué des intentions qui se manifestaient d’ailleurs sans y apporter aucune finesse. A voir l’intérêt qu’on attachait à troubler dès ses débuts la bonne intelligence rétablie entre la France et elle, et à réveiller les vieilles animosités d’autrefois, elle a compris l’importance de l’élément nouveau introduit par notre amitié dans la politique européenne. Nous l’avons compris comme elle. L’intrigue a échoué ; et s’il était besoin d’une épreuve pour montrer que l’amitié franco-italienne reposait sur une base solide, elle a été faite. Quand deux pays, après avoir loyalement débattu leurs intérêts, se sont mis d’accord sur tous les points, ce n’est pas un aussi mince incident que le discours d’Ajaccio qui pourrait rompre leur entente. Cela ne serait pas digne de gouvernemens sérieux.

Au surplus, M. Combes s’est appliqué à dissiper les dernières préventions qui avaient pu se produire, et il l’a fait de telle façon que, si les gouvernemens étrangers n’avaient pas été satisfaits, ils auraient été bien difficiles. C’est à Matha, chef-lieu de canton de la Charente-Inférieure, que M. le président du Conseil s’est expliqué sur les discours de ses collègues. Il s’y est pris d’une manière assez imprévue, et a adressé son admonestation, non pas directement à M. Pelletan lui-même, mais à la presse d’opposition qui avait reproduit et commenté ses paroles. C’est le tir par ricochet : si M. Pelletan ne s’est pas senti atteint, il y a mis de la complaisance. Quoi qu’il en soit, M. Combes a reproché aigrement aux adversaires du cabinet de travestir sa politique à l’intérieur et à l’extérieur, et notamment de la présenter comme inquiétante pour certaines puissances, alors qu’elle est résolument pacifique et conciliante à l’égard de toutes. Mais où M. le président du Conseil a-t-il pris cela ? Nous avons lu beaucoup de journaux : pas un seul n’a accusé la politique du gouvernement d’être belliqueuse. Ils savent bien tous que cela n’est pas vrai, et ils ont assez de patriotisme pour ne pas exposer leur pays à de pareils soupçons. Il en est, seulement, qui ont exprimé le regret d’avoir des ministres aussi intempérans en paroles que le général André et que M. Pelletan, si maladroits d’ailleurs et si dénués de tact qu’ils exposent la France à être injustement accusée de mauvais desseins. C’était leur droit de le dire, et peut-être même leur devoir. Nul n’est obligé d’admirer l’éloquence ministérielle, et lorsqu’elle prête à des