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en sommes presque honteux, car l’Empereur n’a pas voulu qu’on publiât les résultats qu’on en obtient. Que dites-vous de trente chevaux percés du même projectile ? et cela à une distance de 1500 mètres. Notre manière de travailler paraît refroidir un peuple peu habitué aux additions et ayant peut-être du goût pour d’autres opérations d’arithmétique. Quant aux concessions libérales, vous me demandez ce que j’en pense. Ma foi, je n’en pense rien. Je me demande si le goût de l’éloquence subsiste encore dans ce pays-ci, et si l’on trouvera beaucoup d’intérêt à la reprise au théâtre des vieilles décorations si goûtées dans ma jeunesse. Je crois, et même j’espère que la génération qui s’est élevée a moins de goût pour ces vieilleries que nous n’en avions de mon temps ; non pas que je croie qu’elle ait autant d’esprit que nous, au contraire ! et c’est précisément ce qui me donne un peu d’espoir que la recrudescence de l’éloquence n’aura pas les mêmes effets. Ce qui me paraît probable, c’est que le maître, qui a une parfaite connaissance de la grande nation, sait qu’elle a besoin d’occupation et qu’il lui donne celle-là, en attendant mieux. D’un autre côté, on ne peut se dissimuler que tous les gens comme il faut, vous et moi exceptés, sont pour le Pape et contre Victor-Emmanuel. Les épiciers qui prétendent aux belles manières les imitent dans leurs opinions. Le reste du public, c’est-à-dire trente et quelques millions de bipèdes français se soucient peu des Italiens. Le Corps législatif mis en demeure d’avoir une opinion, malgré son embarras, dira probablement qu’il est pour la non-intervention, parce que dès qu’il s’agit de choisir entre payer et ne pas payer, le dernier parti est toujours le meilleur. Ce sera une raison valable pour retirer de Rome le général Goyon qui est à bout d’ordres du jour, et pour regarder, les bras croisés, le gâchis d’au-delà des monts, qui promet d’être intéressant. Je ne me représente pas trop clairement la solution. Ou Garibaldi attaquera la Vénétie et recevra une raclée, ou Cavour l’emportera et laissera la banqueroute démolir l’Empire d’Autriche. Je crois la première solution plus probable, et alors notre rôle passif pourrait bien, malgré nous et malgré la reprise parlementaire, n’avoir pas une longue durée.

Ce qui me console des affaires d’Europe ce sont celles de la Chine. Je regrette bien de n’avoir pas été à Pékin pour y piller quelque chose, casser beaucoup de porcelaines, et essayer de violer l’Impératrice de la Chine. Ensuite je suis enchanté que les