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où les institutions qui sont comme les assises et les arêtes de la société ne soient pas plus à la merci des surprises de la loi que des entreprises de la force. Parce que les socialistes veulent faire du parlementarisme un instrument d’attaque, et le cherchent dans la prépondérance, sans contrepoids, d’un des pouvoirs, nous voulons, nous, en faire un instrument de défense et le chercher dans l’équilibre des pouvoirs, avec contrepoids, freins et crans d’arrêt.

Solidement établis dans une position moyenne, entre les anti-parlementaires et ces ultra-parlementaires qui ne sont que des anti-parlementaires d’un autre genre, nous tâcherons de soutenir l’assaut et de ceux qui ne visent qu’à ruiner le parlementarisme, — le régime parlementaire, — au profit de la dictature césarienne, et de ceux qui ne visent qu’à le ruiner au profit de la dictature jacobine. Mais, pour que la position soit tenable et imprenable, il faut que le parlementarisme soit d’abord réformé, retransformé en régime parlementaire.

N’en cachons rien : nous n’avons pas l’illusion de penser que ce soit facile, et c’est pourquoi nous circonscrivons en cinq points tout notre programme : si ces cinq points, ou trois ou quatre seulement, pouvaient être gagnés en une législature, ce serait une législature bien employée et féconde pour l’avenir. Mais, s’ils ne peuvent ou ne doivent pas l’être, nous n’en continuerons pas moins de dire qu’il faut à tout prix les gagner. « Ce qui cause l’assoupissement dans les États qui souffrent, a écrit, il y a trois siècles, un politique célèbre, est la durée du mal, qui saisit l’imagination des hommes et qui leur fait croire qu’il ne finira jamais. Aussitôt qu’ils trouvent jour à en sortir,… ils sont si surpris, si aises et si emportez qu’ils passent tout d’un coup à l’autre extrémité ;… bien loin de considérer les révolutions comme impossibles, ils les croient faciles, et cette disposition toute seule est quelquefois capable de les faire. » — Il est souvent plus difficile de faire une réforme qu’une révolution ; mais plus une réforme est difficile, plus il faut persuader qu’elle n’est pas impossible ; et on n’en diminue, on n’en use, on n’en vainc la difficulté qu’en en faisant sentir la possibilité.


CHARLES BENOIST.