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vivans se restreint aussitôt ; mais nous allons voir qu’il ne s’évanouit pas.

La considération de la forme spécifique ne laisse plus subsister comme représentans du monde minéral que les corps cristallisés. Les cristaux sont, en effet, à peu près les seuls d’entre les corps bruts qui possèdent une forme définie. En nous restreignant à cette catégorie, nous ne limitons pas notre champ autant qu’on le pourrait craindre. Les formes cristallisées sont infiniment répandues ; elles sont, en quelque sorte, universelles. La matière a une tendance décidée à les revêtir toutes les fois que les forces physiques auxquelles elle obéit évoluent avec ordre et régularité et que leur jeu n’est pas troublé par des intercurrences accidentelles. Et, de même, les formes vivantes ne sont possibles que dans des milieux régularisés, en régime normal, à l’abri des cataclysmes et des convulsions d’une nature en travail.

La possession d’une forme typique est le trait le plus apparent de l’être organisé. Sa tendance, dès qu’il sort du germe, à l’acquisition de cette forme ; la manière progressive dont il poursuit la réalisation de cette sorte de plan architectural à travers les obstacles et les difficultés qui surgissent, en cicatrisant ses blessures, en réparant ses mutilations, tout cela, aux yeux du naturaliste philosophe, forme peut-être le caractère le plus frappant de l’être vivant, celui qui montre le mieux son unité et son individualité. Cette propriété organogénique semble la propriété vitale par excellence. Elle ne l’est pas pourtant : les corps cristallisés la possèdent presque au même degré.

Le parallèle du cristal et de l’être vivant a été fait bien des fois. Nous ne voulons pas le reproduire ici en détail ; nous voulons seulement, après en avoir indiqué les grands traits, insister sur les documens nouveaux que des travaux récens y ont ajoutés.

La forme, en botanique, en zoologie et en cristallographie, s’entend de l’assemblage des matériaux constituans coordonnés en un système défini : c’est l’organisation même. Le corps de l’homme, par exemple, est un édifice dans lequel 60 trillions de cellules déterminées doivent trouver chacune leur place fixée d’avance.

Les cristaux présentent un groupement peut-être plus simple de leurs élémens. Ils n’en sont pas moins organisés, au même titre que les corps vivans. Il ne faudrait pas s’imaginer que le