Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tropical, une terre noire, partie sablonneuse, partie argileuse, des débris de coquilles lacustres, tout cela avec la fréquence des cultures de coton et de mil, ce sont des promesses d’une magnifique prospérité agricole.

Comment se fait-il que ces pays n’y soient pas encore parvenus ? C’est l’insécurité surtout qui est responsable de ce retard. Sans revenir sur les effroyables ravages de Rabah, toute cette région, du fait des Touareg et des nomades de toutes sortes, de potentats se livrant aux razzias et au recrutement de l’esclavage, est en proie à la terreur. Voici la moins bonne partie des rives du Tchad, celles du nord et du nord-est, le Kanem ; une « baie (du lac) s’y nomme Kazagoua, ce qui, en bornouan, signifie : l’endroit où l’on se bat sans cesse…. Le chef de Djarachéro apporte des moutons. Il nous raconte que ses sujets et lui n’ont quitté Néguigmi (excellente position sur le lac) que depuis peu de temps. Ils ont dû abandonner ce village à cause de son insécurité : il était constamment soumis aux pillages des Boudouma, des Tebbou, des Oulad-Sliman surtout[1]. » Ces Boudouma sont des pirates qui habitent les nombreuses îles du Tchad, y possèdent un nombreux bétail et se livrent, avec des pirogues très ingénieusement construites, à des descentes pour effectuer des razzias. Barth notait déjà l’insécurité de toute cette région nord-orientale du Tchad ; quoique, pour cette raison surtout, le Kanem ait actuellement une population clairsemée, il ne manque pas d’élémens de richesse. Les Oulad-Sliman, ces nomades pillards, possèdent des moutons et des bœufs par milliers. Quant à Néguigmi, presque à la pointe la plus septentrionale du Tchad, M. Foureau en fait une attrayante description : « La mission défile devant le village abandonné de Néguigmi, au milieu duquel s’élèvent les types élancés de quelques palmiers dattiers. Une vaste prairie entoure ce village et confine aux rives du lac, peu éloigné. La position est fort belle et, en remontant légèrement sur les collines pour se garder des crues, on pourrait créer là un centre important, à la condition de le défendre contre les invasions des nomades. Toute la plaine supérieure pourrait être cultivée en mil et toutes les surfaces à inondation sont susceptibles de nourrir des dattiers et du coton : c’est simplement une question de sécurité. » Et il en est ainsi de tout le Kanem[2].

  1. Mission saharienne, p. 644, 645.
  2. Ibid., p. 646 et 669.