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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/160

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fois intéresser le public français, et préparer les voies pour rentrer en grâce à Zurich, cet ouvrage étant fait pour plaire au pays de Zwingle. Son amour filial lui faisait mettre un grand prix à cette espérance.

Malgré ses idées philosophiques et le jugement qui l’avait frappé, il faisait encore fonction de ministre du saint Évangile : quand le jeune Louis-Auguste de Vermenoux vint faire à Genève sa première communion, au mois de septembre 1772 : ce sont les leçons de Meister qui Fy avaient préparé. Pendant le séjour qu’il fit en Suisse à cette occasion, Meister tenta des démarches à Zurich, qui reçurent bon accueil ; un mémoire apologétique qu’il présenta, les instances de ses amis, les bons offices de ses anciens maîtres, l’influence de quelques magistrats d’un esprit large et libéral, firent annuler la condamnation qui avait été prononcée contre lui trois ans auparavant. Il alla passer un mois auprès de son père ; mais il ne se décida point à chercher un établissement en Suisse. Paris l’avait séduit, et le moment approchait où il allait y trouver l’emploi de ses talens, dans la rédaction de la Correspondance littéraire.

Au moment où sa brochure et son procès avaient fait parler de lui, Diderot en avait fait un compte rendu ; Meister eut communication de ce morceau, qui avait été inséré, écrit-il à son père, « dans un journal manuscrit qu’un bel esprit de Paris envoie à toutes les cours d’Allemagne. » M. Tourneux a retrouvé récemment ces pages intéressantes, que Grimm avait, en effet, envoyées à ses abonnés.

Tous deux venus à Paris de pays allemands, tous deux fils de pasteurs, Meister et Grimm avaient une similitude d’origine qui facilita leurs relations, aussitôt qu’ils se connurent. Et, lorsque Grimm, dans les premières semaines de 1773, sur le point d’entreprendre un voyage qui devait durer plus d’une année, chercha à qui confier le soin de le remplacer dans ce qu’il appelait « sa boutique, » il fut heureusement inspiré en jetant les yeux sur Meister. Il l’introduisit auprès de ses augustes lecteurs, comme « un jeune homme plein de goût et de mérite, depuis plusieurs années à Paris, et qui cherchait à s’y fixer. » En faisant ce choix, Grimm s’assurait que son œuvre serait continuée dans le même esprit : s’il était appelé à la reprendre, c’était un grand avantage. Mais on sait que ses succès dans les cours, et surtout auprès de l’impératrice Catherine, changèrent à cette époque la