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direction de sa vie : aussi, à son retour, abandonna-t-il définitivement à son jeune ami la Correspondance littéraire, avec ses charges et ses bénéfices.

Meister n’avait pas la décision et le mordant qui caractérisaient Grimm ; son esprit avait moins de portée ; mais, comme lui, c’était un homme bien informé, un habitué des salons de Paris, en relations avec les meilleurs écrivains de l’époque, et à qui le souvenir de ses années d’étude et de jeunesse permettait de se placer sans peine au point de vue de l’étranger ; d’autre part, comme il ne faisait pas de voyages, et n’avait pas les aspirations et les arrière-pensées ambitieuses du baron de Grimm, les abonnés trouvaient en lui un homme qui était tout à son affaire, et qui apportait une régularité parfaite dans l’envoi de ses lettres. Enfin, Diderot et Mme d’Epinay, pendant les années qui leur restaient à vivre, paraissent avoir continué la collaboration intermittente que Grimm obtenait d’eux. En conséquence, le succès de la Correspondance littéraire ne diminua point : au contraire, pendant une quinzaine d’années, le nombre des abonnés ne fit qu’augmenter.


« Un des avantages, dit Meister, du métier auquel je vouai les plus belles années de ma vie fut de me procurer des relations avec les plus augustes personnages de l’Europe, avec Catherine le Grand, avec Gustave III, avec les rois de Pologne et de Prusse, avec l’illustre et malheureux duc de Brunswick, avec le grand-duc de Toscane, depuis empereur (Léopold II), avec les ducs de Deux-Ponts, de Saxe-Gotha, de Mecklembourg, avec les princes de Waldeck et d’Oldenbourg ; de plus intimes avec le margrave d’Anspach et ses deux célèbres amies, Mlle Clairon et milady Craven qu’il épousa dans la suite, et qui me combla de bontés pendant mon séjour en Angleterre. »


Meister avait vingt-huit ans quand il se chargea de la Correspondance littéraire ; il la continua pendant une quarantaine d’années. Avec moins de talent que Grimm, il s’appliqua avec plus de patience à un labeur souvent monotone. A partir de ce moment, sa biographie manque un peu d’intérêt et de variété. L’éducation du jeune Vermenoux était achevée, et Meister se vit offrir des places analogues et plus brillantes, auprès du prince de Saxe-Gotha, du prince de Brunswick. Mais il ne se soucia