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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/192

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Australie, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis les profits du capital et la puissance du machinisme sont énormes, on arrive à une moyenne journalière[1] de huit heures de travail, de 8 shillings de salaire. Tel est le fait brutal qui renverse tout l’échafaudage du marxisme ; la plus-value ne résulte pas des heures de travail non payées dont parle Marx, puisque, en supprimant ces heures et en ajoutant du salaire, on ne tarit pas la plus-value. Le machinisme, de son côté, ne prolonge pas indéfiniment la journée de l’ouvrier, puisque celui-ci travaille le moins longtemps précisément dans les pays où la technique a le plus progressé. Et les collectivistes auront beau dire que le capitaliste est parvenu à faire produire plus à l’ouvrier dans le même temps, la pratique est là pour montrer que, loin de rendre l’effort plus intense, le machinisme le réduit. Et si l’on soutient malgré cela que par exemple les six heures de travail de la journée australienne contiennent encore du sur-travail non payé, où donc s’arrêter ? Je suppose un entrepreneur obtenant une rémunération du capital en introduisant, grâce à des progrès techniques, la journée de travail d’une heure, dira-t-on que cette heure, étant rémunératrice contient du sur-travail non payé, et faudra-t-il la raccourcir sous prétexte que le capital obtenant un profit, la plus-value se trouve dans l’heure de travail ?

Une autre preuve encore de la fausseté de la théorie de Marx, c’est la tendance à l’uniformité des prix, abstraction faite des frais de production. Le prix de la même marchandise, au même moment, sur le même marché, s’égalise, et celui qui vend plus cher échoue. Ce qui agit alors sur le profit du capital, ce n’est pas la quantité de travail fourni, ce sont les conditions du marché.

Une guerre augmente le besoin du combustible ; le prix du charbon monte et le profit du capital monte avec lui. Puis les besoins diminuent ; il y a crise charbonnière et le profit est presque nul. Il arrivera que les ouvriers puissent travailler à leur aise et que les bénéfices des sociétés soient cependant élevés tandis qu’à d’autres momens il y aura un travail accéléré sans que la rémunération du capital soit bien forte ; parfois le capital semblera exploiter le travailleur, parfois aussi les travailleurs sembleront exploiter le capital, et il n’est pas possible d’établir

  1. Metin, le Socialisme sans doctrines. Paris, 1901, Alcan, p. 109 et s.