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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/194

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et immédiat, quand ils ont faim, succèdent des professionnels travaillant ensemble méthodiquement pour la masse, en vue de l’avenir. La farine récoltée jadis gratuitement va être payée et son prix sera supérieur à sa valeur absolue. Voilà l’apparition du capital et de la plus-value.

Cette plus-value se forme encore aujourd’hui de la façon dont nous imaginons sa formation dans l’île au palmier sagou, c’est-à-dire sous l’empire d’un ensemble de causes qui augmentent les besoins. Ce n’est pas le capital qui crée artificiellement de la plus-value ; c’est l’accroissement de la population, des désirs ; c’est le progrès social qui provoque l’organisation économique, différencie le capital du travail et lui donne sa plus-value. Le travail primitif, sans capital ni profit du capital, c’est du travail isolé et égoïste dans un intérêt personnel et sans aucune méthode ; la plus-value, c’est du travail perfectionné, du travail commun en vue d’un but commun et d’après un plan concerté d’avance aux fins d’abaisser les frais généraux, d’abréger le temps nécessaire à la production et d’arriver à produire le plus et le mieux possible. Quand les marxistes disent : la plus-value c’est le sur-travail d’un ouvrier qui peine un nombre d’heures dont on ne lui paie pas la valeur, on pourrait, en généralisant comme eux, répondre : la plus-value, ce sont les études et les veilles d’un savant qui invente un procédé nouveau, améliore un procédé ancien, entretient et répare un procédé usuel. Dans tous les cas, la plus-value s’élève d’autant plus qu’il y a dans le régime industriel une coordination plus rationnelle des efforts de tous, une direction plus intelligente, une tendance plus scientifique et plus organisatrice.

Pour s’en convaincre il suffit d’ouvrir les yeux ; si des nations comme le Portugal, l’Espagne, la Grèce restent à l’arrière-plan, alors que les produits des pays fortement outillés, tels que la France, l’Australie, l’Amérique, l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique, fournissent une grande plus-value, ne la doit-on pas aux qualités intellectuelles, comme aux qualités physiques des coopérateurs, au travail mental comme au travail musculaire, et, en résumé, à l’effort social pris dans sa totalité, en y comprenant l’intelligence et la science créatrice ? Voilà l’injustice, s’écrient les marxistes ! La plus-value vient du travail et du capital ; elle ne profite qu’au capital !

Nouvelle erreur ! Car si, dans des proportions variables, elle