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ront-ils l’arbitrage dans les conditions où l’on cherche à le leur imposer ? Tout ce que nous pouvons dire, c’est que jusqu’ici ils ne l’ont pas fait, et qu’ils essaient de s’entendre directement avec leurs ouvriers. Puissent-ils y réussir ! La grève en est là ; elle n’est pas encore finie ; nous aurons sans doute à en parler encore dans quinze jours.

Un changement ministériel vient de se produire en Serbie : M. Vouitch a donné sa démission au roi, et il a été remplacé par M. Vélimirovitch. Nous n’en parlerions pas s’il ne s’agissait que d’un incident de politique intérieure ; mais la portée en est plus générale, et les motifs qui ont été publiquement donnés pour expliquer une crise que rien ne faisait prévoir la rendent digne de quelque attention. M. Vouitch représentait avec beaucoup de distinction personnelle, et avec une conviction très sincère de ses avantages, la politique inaugurée par le roi Alexandre lorsque son mariage l’a eu affranchi de la tutelle de son père et qu’il a vraiment commencé de régner par lui-même. En d’autres termes, M. Vouitch était partisan d’une politique d’entente avec la Russie. Le roi Milan avait enfermé la Serbie dans l’orbite autrichienne, le roi Alexandre l’a fait résolument entrer dans l’orbite russe. On peut penser du mariage du roi tout ce qu’on voudra ; c’est sans doute un roman de jeune homme ; mais, au point de vue politique, il a été un acte d’indépendance, et le premier usage que le roi a fait de sa liberté reconquise a été de se tourner du côté de Saint-Pétersbourg. Il y a trouvé très bon visage, et même quelque chose de plus. Le gouvernement russe a mis un extrême empressement à féliciter le nouveau couple royal. Pendant qu’on hésitait encore ailleurs sur l’attitude à prendre à son égard, il en a pris une pleine de bienveillance et d’affabilité. Il a été question tout de suite d’un voyage que les souverains serbes feraient en Russie, et peu de temps après, lorsque la reine Draga s’est crue grosse, on a dit que l’empereur Nicolas serait le parrain de l’enfant qui allait naître, et dont la naissance affermirait la couronne sur la tête des Obrenovitch. Malheureusement, aucun enfant n’est né : la reine avait été trompée par les apparences, et ses ennemis, car elle en a et ce sont ceux de l’influence russe, se sont déchaînés contre elle avec un acharnement dont la confiance et l’affection du roi l’ont vengée, au moins en partie.

Mais la reine et le roi lui-même attendaient une autre satisfaction : ils devaient la trouver dans l’accueil qui leur serait fait en Russie, et