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vieillards : le droit fut maintenu en principe ; mais on opéra une sorte de transfert en déclarant que les terres continueraient à contribuer sous forme d’impôt au soulagement de ces misères ; la commune fut chargée de prélever des taxes et devint responsable vis-à-vis de l’Etat. Avec le temps, la rapacité des nouveaux propriétaires transforma en charge publique ce qui était une sorte de servitude perpétuelle pesant sur leurs domaines. Tant que subsistèrent les corporations, qui ne disparurent complètement qu’au début de ce siècle, elles suffirent, dans bien des cas, à assurer la vieillesse du compagnon éloigné de l’atelier par les infirmités. Mais l’avènement de la grande industrie, les lois libérales qui brisèrent l’ancienne organisation du travail, firent peser sur les communes une charge trop lourde, et le législateur dut intervenir.

La loi industrielle de Prusse, du 17 janvier 1845, — modifiée par la loi du 21 juin 1869 et étendue à tout l’Empire par la loi des 7 et 8 avril 1876, — conféra aux autorités communales le droit d’obliger les ouvriers de leur ressort à s’affilier à une caisse de corporation. Ces institutions demandaient des cotisations et accordaient, en retour, des secours de maladies et des indemnités pour payer les frais funéraires des membres décédés. Le principe de la contrainte légale était définitivement entré dans la législation et se présentait comme une transformation du droit à l’assistance. Les communes n’usèrent pas de cette faculté. En 1881, l’assurance obligatoire n’existait que dans 366 communes. En dehors de cette organisation, les lois du 10 avril 1854 et du 24 juin 1865 avaient créé la Caisse des retraites des mineurs, gérée par un comité mi-partie de patrons et d’ouvriers et alimentée par une retenue obligatoire sur les salaires. Cette caisse comptait, en 1881, 263 688 assurés.

En présence de la misère des travailleurs et de l’exagération de charges qui en résultait pour les communes, le gouvernement sentit la nécessité d’agir, d’autant plus que l’émigration, toujours croissante depuis la guerre, et les progrès du socialisme devenaient un péril public. Le courant d’idées qui dominait en Allemagne était favorable à une intervention de l’État. Depuis longtemps, Adam Millier, Hildebrand, Schönberg, Wagner avaient provoqué une irrésistible réaction contre les doctrines d’Adam Smith et des économistes de l’école anglaise. A un autre point de vue, les théoriciens de la monarchie nationale, Radowitz, Lorenz Stein Rodbertus Jagelzow et Schmoller, avaient proclamé le devoir et