Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/358

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poser en toute circonstance comme les seuls champions de la cause du peuple, et aux révolutionnaires un prétexte pour proclamer l’impuissance des réformes par la voie régulière. Elle habitue les masses à la violence et aux coups de force et les met en défiance contre ceux qui devraient être leurs guides naturels. Nous ne comprenons que trop certaines craintes et certaines inquiétudes, mais le moment est venu d’oser, et de mettre la science au service de l’humanité. Qui pourrait soutenir que, si la solution de ces grands problèmes avait été poursuivie avec la ténacité, l’esprit de suite et l’audace qui ont été apportés dans la recherche des progrès industriels, on n’aurait pas depuis longtemps trouvé un système acceptable d’assurances sociales ? Il ne s’agit pas de chercher un système parfait, — nulle part on n’a pu arriver à la perfection, — mais de trouver des solutions pratiques, réalisables, respectueuses de la liberté, et inspirées par l’amour du prochain. À la multitude haletante, épuisée par le travail, éternellement en peine de son pain quotidien, qui implore secours et assistance et demande à être conduite dans des régions meilleures, il faut une réponse et une direction. Il ne suffit pas de détourner la tête en disant : « Je ne sais pas, » mais il faut ceindre ses reins, et se mettre à la tête de la lamentable caravane, en disant : « Je ne sais pas non plus, mais nous chercherons ensemble ; et nous verrons si, dans la société moderne, la justice et la charité ne pourront pas renouveler un jour le miracle de la multiplication des pains, autrefois réalisé dans le désert. »


CHARLES LE COUR GRANDMAISON.